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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/368

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vue l’utilité du développement matériel de la mémoire et l’avantage de ces exercices spéciaux, destinés à fixer pour jamais dans l’esprit les chefs-d’œuvre des grands poètes et des grands écrivains. La substitution des explications orales et des devoirs dits extemporanés aux compositions écrites d’autrefois, malgré certains avantages, n’en a pas été moins fâcheuse, par l’excès avec lequel elle a été appliquée. Si elle est utile pour développer les facultés d’improvisation, la vivacité d’esprit et la faculté de la parole, en revanche, elle nuit à la réflexion et à la méditation, au travail soutenu, prolongé et solitaire que réclament les compositions écrites. L’esprit perd ainsi sa véritable force individuelle et l’énergie profonde de ses réserves, aux dépens des facultés superficielles d’improvisation.

Ces diverses réformes, hâtivement introduites dans l’enseignement secondaire classique, ont contribué à l’énerver; elles ont diminué la capacité de travail et le goût de l’effort personnel, chez le professeur aussi bien que l’enfant.

Elles avaient pour but, répétons-le, de maintenir à tout prix, par certains sacrifices, un type unique d’éducation encyclopédique, approprié à la préparation de toutes les carrières. La campagne menée depuis quelques années contre l’enseignement du grec et du latin tend aux mêmes conséquences. En effet, dans l’esprit de ses promoteurs extrêmes du moins, il s’agirait surtout de remplacer le vieil enseignement classique par un nouveau type général d’enseignement secondaire, allégé par la suppression des langues anciennes, mais destiné de même à la généralité des enfans.

Ces prétentions excessives et qui dépassent les nécessités réelles de l’enseignement ont rencontré des résistances et l’on tendrait aujourd’hui, ainsi que je l’ai dit plus haut, à réaliser un système mixte, dans lequel coexisteraient deux enseignemens parallèles : l’un classique ancien, fondé sur l’étude du grec et du latin et conservant les traditions reçues ; l’autre dit classique français, qui prendrait la place de l’enseignement spécial. On créerait deux types parallèles, de même durée, à sanctions similaires et équivalentes.

La multiplicité nécessaire des types d’enseignement est respectée dans cette combinaison : mais elle repose toujours sur une conception a priori de ce que devrait être, au gré de ses auteurs, l’enseignement secondaire, et elle n’est pas déduite directement de la destination effective de ces enseignemens, c’est-à-dire des vœux et besoins des familles. Ce n’est pas un second enseignement classique, symétrique et parasite du premier qu’elles réclament; mais leurs désirs ne seront réellement remplis, je ne saurais trop le répéter, que lorsqu’il existera, à côté du vieil enseignement