Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/367

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trop tôt les aptitudes des enfans et de laisser les capacités se révéler avec l’âge.

Il est certain que l’esprit de l’enfant éprouve un changement profond vers l’époque de la puberté, et que c’est seulement vers quatorze à quinze ans que se manifestent les facultés rationnelles proprement dites : jusque-là, sauf des cas exceptionnels, il serait téméraire d’assujettir l’enfant à une éducation trop particulière et exclusive. Mais, à partir de cet âge, la lumière commence à se faire et on conçoit la possibilité de plusieurs directions différentes appropriées au vœu des familles, les meilleurs juges après tout des aptitudes et de la destination qu’elles désirent voir suivre par leurs enfans.

Ce n’est pas tout : pour bien faire apercevoir toutes les données de la question, il convient d’entrer dans des considérations pédagogiques d’un ordre non moins général, et qui interviennent chaque jour dans nos discussions relatives à l’orientation et à la réforme de l’enseignement secondaire.

Une première donnée, qui complique le problème, c’est la question du surmenage intellectuel, soulevée par les hygiénistes dans ces dernières années. A surcharger l’esprit des enfans par l’acquisition réelle ou prétendue de tant de connaissances diverses, on risque de le fatiguer avant l’heure et d’en empêcher l’évolution normale. On ruine en même temps par là la santé et l’étendue à l’âge du développement physique ; risque plus marqué encore pour les jeunes filles que pour les jeunes garçons. De là la nécessité de réduire le nombre de ces connaissances, ainsi que la durée du temps quotidien consacré aux études; l’obligation d’assurer aux enfans un temps suffisant pour se livrer aux exercices physiques. Je n’examinerai pas ici si cette réaction légitime contre la surcharge intellectuelle n’a pas été poussée trop loin; et si le surmenage était aussi réel qu’on l’a dit dans les classes inférieures; s’il ne se produit pas surtout dans les classes mathématiques, destinées à la préparation aux grandes écoles, et même si ce n’est pas le système excessif des concours et de leurs épreuves, chaque jour multipliées, qui fatigue et épuise l’adolescence.

Pour répondre à ces réclamations, on a réduit tout récemment la durée de la classe à une heure et demie, au lieu de deux heures : mesure contestable, qui ne permet plus guère au professeur de veiller au développement individuel de ses élèves, à la récitation des leçons et à la correction des devoirs ; elle tend à transformer les classes anciennes en cours proprement dits, où l’action du professeur est purement collective et destituée par là même d’une partie de sa vertu éducatrice.

En même temps, en effectuant ce changement, on a perdu de