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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/376

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encore de la combinaison harmonieuse des systèmes organiques dans les êtres vivans. Un sentiment esthétique délicat s’insinue ainsi peu à peu dans leurs intelligences.

Mais pour que les élémens des sciences naturelles aient toute leur vertu éducatrice, il est indispensable qu’ils ne soient pas présentés aux enfans sous la forme de nomenclatures arides, dictées et apprises par cœur, comme une sorte de pensum; chose propre à leur donner le dégoût des sciences qui sont, au contraire, les plus intéressantes et les plus amusantes. C’est surtout sur la vue des choses elles-mêmes que l’enseignement de l’histoire naturelle doit s’appuyer.

L’enseignement des sciences expérimentales proprement dites, telles que la physique et la chimie, ne doit venir qu’ensuite, et ne peut guère être donné avant l’adolescence et associé avec une certaine connaissance, au moins élémentaire, des mathématiques. Cet enseignement, présenté convenablement, est propre au plus haut degré à former l’intelligence et la moralité du jeune homme; car il lui fournit à la fois la notion précise de la vérité positive, celle du fait constaté par l’observation, et la notion plus générale de la loi naturelle, c’est-à-dire de la relation des faits particuliers, relation déterminée, non par le raisonnement et la dialectique, mais par l’observation. La vérité s’impose ainsi avec la force inéluctable d’une nécessité objective, indépendante de nos désirs et de notre volonté. Rien n’est plus propre que cette constatation à donner à l’esprit cette modestie, ce sérieux, cette fermeté, cette clarté de convictions qui le rendent supérieur aux suggestions de la vanité ou de l’intérêt personnel et qui sont liés étroitement avec la conception même du devoir. L’habitude de raisonner et de réfléchir sur les choses, le respect inébranlable de la vérité et l’obligation de s’incliner toujours devant les lois nécessaires des choses, communiquent à l’esprit une empreinte ineffaçable. Elles l’accoutument à respecter les lois de la société, aussi bien que celles de la nature, et à concevoir les droits et le respect d’autrui comme une forme même de son propre droit et de sa propre indépendance personnelle.

La science joue surtout un rôle capital dans l’éducation intellectuelle de l’humanité. C’est par la connaissance des lois physiques que la science, depuis deux siècles, a renouvelé la conception du monde et qu’elle a renversé sans retour les notions du miracle et du surnaturel. La science, je le répète, n’a pas seulement pour but de former des hommes utiles ; mais elle forme en même temps des citoyens affranchis des préjugés et des superstitions d’autrefois. Elle leur apprend comment on combat les forces fatales de la nature, non par des imaginations miraculeuses, mais par le travail et