Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mari à Paris fut toujours employé à préparer de nouvelles entreprises. Par la force des choses, il se trouvait, en effet, le lien entre les États-Unis et la France, il avait la confiance des deux pays. Sa faveur dans les salons était encore plus grande qu’à la cour. Il l’employait à servir la cause des Américains, à détruire la mauvaise impression qu’on cherchait à répandre contre eux[1].

Les correspondans du parti anglais à l’étranger imprimaient, dans les gazettes à la solde de la Grande-Bretagne, que Louis XVI abandonnait les rebelles et rappelait La Fayette. Il fit alors publier les résolutions du congrès à son sujet, les lettres officielles écrites par le président Laurens et par Washington au gouvernement français et au docteur Franklin. Il avait donc pris pied. Après quelques conversations, il s’était convaincu que le ministère, craignant la trop grande extension des États-Unis, se refuserait à toute entreprise sur le Canada. Comme M. Necker redoutait toute entreprise qui pouvait augmenter les dépenses, La Fayette avait essayé d’organiser une expédition, à la tête de laquelle il aurait placé Paul Jones. Le célèbre corsaire aurait transporté, sous pavillon américain, un corps de troupes sur les côtes d’Angleterre, pour y lever des contributions destinées à fournir aux États-Unis l’argent qu’on ne pouvait tirer du trésor en France. Cette idée fut bientôt abandonnée. La Fayette lui en substitua une autre. Grâce aux encouragemens de l’ambassadeur de Suède, il songea à faire prêter aux Américains quatre vaisseaux de ligne suédois avec la moitié de leur équipage, la France répondant du loyer; mais le plus sérieux de tous ces projets fut une tentative de descente en Angleterre. Le grade d’aide maréchal général des logis eût été attribué au jeune marquis. On réservait à son audace, mêlée de prudence, le soulèvement de l’Irlande.

Il s’était rendu à Saint-Jean-d’Angély, où se trouvaient, avec le roi-dragons qu’il commandait, quelques régimens d’infanterie, momentanément sous ses ordres. Il était avide d’action[2]. Il apprend que le lieutenant-général comte de Vaux est désigné pour commander les troupes destinées à l’expédition. Aussitôt, il écrit à M. de Vergennes (août 1779) : « Ce qui me convient est une avant-garde de grenadiers et de chasseurs et un détachement de dragons du roi, le tout faisant 1,500 à 2,000 hommes qui me mettent hors de la ligne et à portée de m’exercer. D’ailleurs, je connais les Anglais et ils me connaissent aussi, deux choses importantes à la guerre... Je

  1. Mémoires de ma main; Vie de Mme de La Fayette; Mémoires historiques de La Fayette et le tome IV de l’Histoire de la participation de la France à l’indépendance des États-Unis, par M. Doniol. (Annexes, archives des affaires étrangères.)
  2. Lettre à M. de Vergennes, p. 293, t. Ier, Mémoires ; — lettre à Washington, 12 juin 1779.