Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du corps expéditionnaire un jeune général de vingt-deux ans, ayant, par nature, trop de confiance dans les témérités. Parmi les officiers supérieurs, à la tête des troupes destinées à une descente en Angleterre, Louis XVI choisit un officier général nouvellement promu, dont les qualités de tacticien avaient été appréciées durant la guerre de sept ans et qui avait été désigné par le comte de Vaux pour commander son avant-garde. Il se nommait le comte de Rochambeau.

On décida de mettre sous ses ordres une petite armée dont La Fayette irait d’avance annoncer aux États-Unis l’arrivée. L’ordre était expédié, le 20 février 1780, à la frégate l’Hermione de le transporter à Boston.

Les rapports du commandant du navire au ministre de la marine font juger de la considération enthousiaste dont jouissait le jeune gendre de la maison de Noailles. « J’aurai, dit le capitaine, pour M. le marquis de La Fayette, tous les égards et toutes les attentions non-seulement que me prescrivent vos ordres, mais ceux que mon cœur me dicte pour un homme que ses actions m’ont inspiré le plus grand désir de connaître. Je regarde comme une faveur l’occasion de me trouver à portée de lui donner des marques de la grande estime que j’ai conçue pour lui[1]. » La Fayette se trouvait donc mis au service des États-Unis et il était chargé de préparer les voies auprès de Washington et du congrès pour que les troupes françaises que Louis XVI mettait à la disposition de ses alliés fussent engagées dans une action efficace.

La nomination de Rochambeau ne fut rendue officielle que le 9 mars, et dès le 11, La Fayette était embarqué sur l’. « j’aurai Hermione. « j’aurai. Il lui avait fallu une année d’efforts pour amener la détermination du gouvernement.

Mme de La Fayette, qu’il quittait une seconde fois, souffrait cruellement de pareilles secousses. Après une grossesse pénible, elle avait mis au monde, le 24 décembre 1779, un fils, George, dont Washington fut le parrain. Cette naissance avait comblé la famille de joie, et il fallait qu’un bonheur si court fût encore troublé. La douleur de la séparation avait été plus profonde dans le cœur de Mme de La Fayette qu’au premier voyage. Son sentiment, comme le dit Mme de Lasteyrie, s’était accru par ses inquiétudes et par le charme des momens passés près de son mari. Elle avait alors dix-neuf ans. Ses impressions étaient devenues plus fortes et plus intenses. Une confiance plus intime, plus soumise, avait associé son esprit plus mûr aux opinions et aux desseins de cet époux si adoré. Elle lui avait donné toute sa raison et tout son cœur. Elle

  1. Voir Doniol t. iv, p. 280, archives de la marine, annexes.