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mon illustre et respectable ami. Elle m’a été continuée, avec la plus touchante bienveillance, dans toutes les circonstances politiques et militaires de la guerre. Je reconnaîtrai, cependant, que j’ai souvent trouvé dans l’amitié personnelle et dans la confiance particulière des habitans les plus grandes ressources contre les difficultés publiques. Ce souvenir précieux m’enhardit, dans ce moment solennel, à rappeler au congrès, aux états de l’Union, à tous leurs citoyens, mes chers compagnons d’armes dont la bravoure et les services ont été si utiles à leur patrie.

« Après avoir profondément senti l’importance des secours que nous envoya notre illustre monarque, je me réjouis en pensant que cette alliance va devenir réciproquement avantageuse par les liens du commerce et par les heureux effets d’une affection mutuelle. Le souvenir du passé nous en répond et l’avenir semble agrandir cette douce perspective.

3Je désire bien sincèrement voir la confédération consolidée, la foi publique préservée, le commerce réglé, les frontières fortifiées, un système général et uniforme de milice adopté et la marine en vigueur. C’est sur ces seuls fondemens que peut être établie la véritable indépendance de ces états. Puisse ce temple immense que nous venons d’élever à la liberté offrir à jamais une leçon aux oppresseurs, un exemple aux opprimés, un asile aux droits du genre humain, et réjouir dans les siècles futurs les mânes de ses fondateurs! »

Le souffle précurseur de 1789 animait ces paroles. Elles furent très remarquées, en même temps que l’honneur extraordinaire dont personne, excepté Washington, n’avait joui dans le congrès. Les anciens compagnons d’armes de La Fayette n’étaient pas moins empressés à lui montrer leur joie de le revoir. différens états donnèrent son nom à des villes et à des comtés. Les capitales lui offrirent le droit de cité. Des diplômes lui conférèrent, ainsi qu’à son fils et à ses descendans, le titre de citoyen des États-Unis. La Virginie plaça son buste dans la salle des délibérations de Richmond. Enfin, on fit don à la ville de Paris d’un autre buste en marbre de La Fayette, qui fut présenté par le ministre des États-Unis et reçu avec pompe à l’Hôtel de Ville.

Couvert des bénédictions de tout un peuple, il s’embarqua à Boston, après une superbe fête. Le ministère français lui avait envoyé, pour son passage, une frégate de quarante canons, et Washington lui faisait ses adieux en ces termes[1] : « Pendant que nos voitures s’éloignaient l’une de l’autre, je me demandais souvent si c’était pour la dernière fois que je vous avais vu; et, malgré mon

  1. Voir Correspondance de La Fayette, t. II; lettre du 8 décembre 1784.