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avec une sévérité dangereuse... Pour moi, je souhaite avec ardeur un bill des droits et une constitution, et je voudrais que la chose pût s’accomplir, autant que possible, d’une manière calme et satisfaisante pour tous. »

Nous rappelons que les édits de Lamoignon et de Brienne (mai 1788) contre les cours souveraines rencontrèrent une vive résistance surtout en Bretagne et en Dauphiné. A Bennes, la commission des états, qui représentait légalement la province, avait adressé au roi des représentations sur ses privilèges. La noblesse se réunit, rédigea une dénonciation contre les ministres et chargea douze députés d’aller la présenter au roi. La Fayette, dont la mère était Bretonne et dont la fortune était en partie dans la Bretagne, envoya aux gentilshommes bretons une lettre d’adhésion, ajoutant: « Qu’il s’associait à toute opposition aux actes arbitraires présens ou futurs qui attentaient ou pouvaient attenter aux droits de la nation en général et particulièrement à ceux de la Bretagne. » Il se concerta donc avec les douze députés, et prit part à une réunion où furent appelés les seigneurs bretons de la cour. Là, fut signée cette protestation à la suite de laquelle trois personnages de la cour furent disgraciés, les douze députés mis à la Bastille, et La Fayette privé de son commandement. Marie-Antoinette lui ayant fait témoigner son étonnement de ce qu’il avait pris part à la rébellion, il répondit : « Qu’il était Breton, de la même manière que la reine appartenait à la maison d’Autriche. »

Cependant, l’archevêque de Toulouse, pour donner un dérivatif au courant grossissant des mécontentemens, avait été obligé de convoquer dans toutes les provinces qui n’avaient pas d’états, des assemblées provinciales, comme celles instituées par Necker pour le Berri et la Haute-Guyenne. La Fayette[1] avait demandé qu’au plan de nomination, moitié par le roi, moitié par les membres eux-mêmes, on substituât un système complètement électif. Le ministère promit d’étudier cette réforme pour l’avenir et maintint pour le présent l’ancien système. Il y eut, au mois d’août, en Auvergne, à Clermont-Ferrand, une réunion préliminaire, composée exclusivement des membres nommés par le roi. La Fayette y fit adopter la résolution suivante : « Nous prenons la liberté d’observer que notre province est une de celles qui ont cessé le plus tard d’exercer le droit de s’assembler en états, et considérant la différence des fonctions qui semblent être destinées à l’assemblée, avec les prérogatives sacrées de nos états, nous croyons devoir supplier Sa Majesté de daigner déclarer à la province, qu’elle entend, comme nous

  1. Voir, Mémoires, t. II, p. 185.