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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/445

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le faisons ici nous-mêmes, que l’exécution de ce nouveau règlement ne portera aucune atteinte aux droits primitifs et imprescriptibles de l’Auvergne. »

L’assemblée provinciale s’étant complétée par la voie de la cooptation, ses opérations commencèrent au mois de novembre. Un de ses premiers actes fut d’approuver le vœu de l’assemblée préliminaire. Le point important à débattre fut de savoir s’il fallait accepter, comme le gouvernement y invitait, un abonnement qui tendait à augmenter les charges de l’impôt. Sur la proposition de La Fayette, on vota le principe, mais on réduisit les chiffres. Le commissaire du roi fit connaître à l’assemblée qu’elle avait dépassé les droits que le roi lui avait permis d’exercer. Le 11 décembre, La Fayette proposa à ses collègues et leur fit adopter une déclaration ainsi conçue : « l’assemblée, frappée de l’impossibilité d’établir la communication des rôles, de l’énormité des accessoires de la taille dans cette province, montant à 3 millions de livres, sur lesquelles les vingtièmes sont encore perçus, n’a pu fixer ses idées que sur le travail du bureau de l’impôt et sur une conviction universelle de la surcharge de la province. Elle prend la liberté d’observer que les impôts réunis de l’Auvergne sont au-delà de toute proportion, et privent déjà le peuple d’une partie essentielle de sa subsistance, de manière que tout accroissement de charge, augmentant aussi le nombre des champs abandonnés et des cultivateurs forcés à l’émigration, tournerait au détriment des finances de Sa Majesté, en même temps qu’elle répugnerait à son cœur. — L’assemblée ose espérer que Sa Majesté, touchée de la situation de cette province, daignera ne pas rejeter sa première proposition. »

C’est ainsi que le sentiment du droit venait s’ajouter à l’ardente fermentation des esprits. Tous les hommes éclairés qui avaient été appelés à donner leur avis sur les formes à observer pour la convocation des états-généraux apprirent avec stupeur que les notables allaient être de nouveau réunis pour délibérer sur le mode de représentation : « Je ne crois pas, disait La Fayette, qu’ils soient fort habiles sur les questions constitutionnelles. » — La majorité fut, en effet, tellement en arrière de l’opinion publique, qu’un seul bureau, celui présidé par le comte de Provence, se déclara pour la double représentation du tiers. La Fayette raconte que le bureau de Monsieur dut cette gloire à l’assoupissement du vieux comte de Montboissier, appelé à voter. Il demanda à son voisin, le duc de La Rochefoucauld : « Qu’est-ce qu’on dit? — On dit oui, » répondit La Rochefoucauld. — Et ce oui décida la majorité[1].

  1. Voir Mémoires, t. II, p. 184 et 238; — Lettre du 8 mars 1789.