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Le dernier exerce son ascendant incontesté sur la nombreuse jeunesse universitaire ; il a développé chez elle le sentiment de la solidarité, auquel il a donné une forme dans les associations d’étudians. En contact permanent avec elle, il lui enseigne le patriotisme actif, l’union généreuse, le devoir social : il s’adresse avant tout aux futurs professeurs, par qui son influence s’étendra sur la jeunesse de demain.

Entre les deux, M. de Vogüé, à qui, d’une part, son nom et ses origines, d’autre part, son talent d’écrivain et son sens très vif des grandeurs de notre temps donnent accès dans tous les camps (puisque camps il y a, hélas !), s’est fait une large place. Se dégageant des questions de parti qui, dès le berceau, scindent aujourd’hui la nation en deux, des formules politiques, des étiquettes d’écoles, il s’est placé sur le terrain commun de l’action sociale. A tous les privilégiés de l’intelligence, de l’éducation, de la culture, de la fortune, il rappelle que leurs premiers devoirs sont envers les humbles et les déshérités et convie les bonnes volontés de tous partis, de toutes confessions, de toutes philosophies, à communier dans « la religion de la souffrance humaine. »

Tous, ils ont réveillé dans cette jeunesse le sens de l’action ; tous, sans y attacher toujours le même sens, ont placé au premier rang le devoir social. En montrant la grandeur du but, ils n’ont pas dissimulé les épreuves du chemin, les préjugés à vaincre, les routines à briser, et, dès qu’il s’agit d’aller au peuple, la difficulté de l’aborder et de le convaincre, pour qui n’en porte pas le vêtement et n’en parle pas la langue ; il y a toujours, chez les travailleurs, une cause de méfiance extrême contre la parole des dirigeans, en l’opposition apparente de leurs intérêts matériels.

Incontestablement, il y a là un mouvement, un souffle de générosité et de dévoûment. Il semble que cette génération prenne conscience du grand rôle qu’elle pourrait remplir. Et quel rôle ! A l’état de guerre haineuse et violente qui sépare stérilement les enfans du même sol, de parti à parti, de classe à classe, substituer la recherche pacifique et féconde des problèmes posés par la révolution industrielle et économique de ce temps : marcher, non plus la revendication ou la répression au poing, mais la main dans la main, dans la large et noble voie du progrès social. Et qu’on ne dise pas que, sous cette forme, c’est là une question vieille comme le monde ! Dans son acuité, elle est posée d’hier, et c’est d’hier aussi que la science, l’industrie, en leur évolution foudroyante, ont apporté pour la résoudre d’autres élémens que le pétrole et la dynamite.

Mais, si nombreux que soient les jeunes gens, étudians, futurs ingénieurs, futurs industriels, futurs patrons, futurs professeurs,