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plaisir et non aux sacrifices. » Qu’ils retournent à Jéhovah, car ce n’est pas l’Assyrien qui les sauvera : c’est Jéhovah qui est leur Dieu, leur seul Dieu depuis l’Egypte, leur seul sauveur ! « Ce qui te perd, ô Israël ! c’est que tu es contre moi, contre ton sauveur : convertis-toi à Jéhovah, ton Dieu ! » — Qu’ils cherchent le Seigneur : il en est temps encore, il viendra leur apprendre la justice. Ils ont semé le vent et récolté la tempête : qu’ils fassent à présent des semailles de justice et ils récolteront la grâce.


Le cadre créé par Amos et Osée ou par leurs prédécesseurs perdus est celui où tous les prophètes qui vont suivre jetteront leur prédication, leurs menaces et leurs espérances. L’uniformité du fond ne sera variée que par le génie individuel de chacun et par les mouvemens de l’histoire. Dans tout prophète, il y a une morale et une politique indissolublement liées, — car morale et politique font un, — et dont pas un axiome ne changera du premier au dernier. La seule chose qui change, parce qu’elle tient à des circonstances extérieures qui changent, c’est la conception que chacun d’eux se fait de l’avenir ou plutôt de la façon dont l’avenir inévitable sera réalisé.

Ce qui n’est point fondé sur la justice doit périr ; — Jéhovah a révélé la justice à Israël ; — Israël doit réaliser la justice ; — La justice sera réalisée un jour : tels sont les quatre axiomes du prophétisme, les quatre certitudes invincibles qui ont fait sa puissance surnaturelle et dont la dernière, en l’armant d’espérance pour l’éternité, l’a soustrait à tous les écrasemens de la réalité. Mais quand et comment sera réalisée la justice ? Là-dessus, les prophètes ont varié. Les premiers voient le glorieux avènement proche et direct. C’est Israël qui volontairement, docile à leurs voix, réalisera sur la terre promise, par la main de ses rois, la volonté de l’âme divine. Peut-être faudra- t-il bien des coups d’en haut, bien des châtimens de la main de Dieu et de la main des hommes pour lui ouvrir complètement les yeux et le cœur. Mais l’expérience amère des expiations qui suivent toute iniquité, des réactions naturelles qui châtient tout débordement du mal, l’instruira enfin et fera de lui l’heureux serviteur de Dieu. A deux reprises, sous Ézéchias et sous Josias, les prophètes croient le but atteint et voient leur idéal près de devenir la loi de l’état et de passer dans la réalité par la main du pouvoir civil. Ce n’est qu’une courte illusion et il faut bientôt reconnaître qu’avec les élémens organisés, il n’y a pas d’espoir poulie programme divin : le monde politique du jour est trop corrompu, trop enfoncé sans retour dans les vices humains, pour suivre où elle l’appelle l’infime minorité prophétique. La nation présente, telle que les siècles l’ont faite, ne réalisera pas l’ordre nouveau, elle en