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est avec conscience ou sans conscience l’ennemie inconvertible ; elle est l’obstacle, il faut qu’elle périsse. Il faut qu’Israël soit emporté dans la tempête, l’élément impur englouti, et alors le débris épuré qui reste, couvé et élevé par la doctrine prophétique, reviendra en Palestine fonder l’état idéal. Les déceptions de l’histoire divisent ainsi en trois actes le drame prophétique ; le premier est animé par l’illusion généreuse qui veut construire directement l’avenir avec le présent, le second est rempli par les destructions nécessaires, le troisième par la restauration devenue possible. Le premier acte est dominé par Isaïe, le second par Jérémie, le troisième par le grand Anonyme de la captivité.


IV

Les cris et les larmes d’Amos et d’Osée furent perdus sur Israël. Les aventuriers se succèdent sur le trône. Un d’eux, Menahem, fait éventrer les femmes enceintes des villes qui résistent. Israël à l’agonie ne retrouve d’énergie que contre Juda : « Chacun dévore la chair de son propre bras : Manassé contre Éphraïm, Éphraïm contre Manassé, et tous deux ensemble contre Juda. » Un roi d’Israël, Pékah, qui dure plus longtemps que les autres, se ligue contre Juda avec le roi de Damas, et Jérusalem est mise aux abois par cette coalition fratricide. Quand la nouvelle arriva à la cour d’Achaz, roi de Juda, que les Syriens étaient campés en Éphraïm, son cœur fut agité, ainsi que le cœur du peuple, comme les arbres de la forêt sont agités par le vent : « Ne crains rien, lui dit le prophète Isaïe, ne crains rien et que le cœur ne te faille devant ces deux bouts de tison fumans ! » Les deux coalisés ne savaient pas qu’ils n’étaient plus que deux mourans déjà condamnés. De l’autre côté de l’Euphrate, accouraient déjà, appelés par le coup de sifflet de Jéhovah, les frelons du pays d’Assur qui s’abattaient sur toutes les vallées et dans les fentes des rochers de Damas et d’Éphraïm. Damas périt dans le choc, Israël fut démembré et soumis au tribut, la Galilée dévastée, sa population emmenée en exil. Et Éphraïm humilié relevait la tête plus hautaine que jamais : « Pour les briques tombées, disait-il, nous rebâtirons en pierres de taille ; pour les sycomores coupés, nous mettions des cèdres à la place. » Son roi Osée nouait des intelligences avec l’Égypte, ombre de l’ancienne Égypte conquérante, « frêle roseau qui perce la main qui s’appuie sur lui. » — « Les guides de ce peuple le fourvoient, s’écriait Isaïe, et ceux qu’ils guident s’engouffrent. Aussi, Jéhovah arrachera d’Israël tête et queue, en un seul jour. » Israël, révolté contre l’Assyrie,