Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/534

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

succomba après une résistance de trois années ; son dernier roi alla mourir aux bords du Tigre.

Isaïe avait déjà prophétisé de longues années en Juda quand arriva la nouvelle de la chute de Samarie. Pendant longtemps, il avait prêché à la façon d’Amos contre l’avidité du riche, l’iniquité du juge, le vide du culte : « Malheur à ceux qui joignent maison à maison, qui ajoutent champ à champ, jusqu’à ce qu’il ne reste plus de place dans le pays et qu’ils y soient seuls ! Malheur à ceux qui dès le matin courent après le vin et s’attardent la nuit dans la chaleur de l’ivresse ! La lyre et la harpe, le tambourin, la flûte et le vin, voilà leur vie, et ce que fait l’Éternel, ils n’en ont cure, et c’est pour cela que mon peuple s’en ira en exil inopinément ; c’est pour cela que le Schéol ouvrira sa gueule béante et toute cette magnificence y descendra, toute cette pompe bruyante, cette foule joyeuse.

« Malheur à ceux qui rendent des arrêts iniques, aux greffiers qui écrivent des sentences injustes, chassant les pauvres du tribunal, privant de leur droit les faibles de mon peuple ! .. Et que ferez-vous au jour du compte à rendre, de la ruine qui vient de loin ?

« Qu’ai-je à faire de la multitude de vos sacrifices ? dit Jéhovah. Je suis rassasié d’holocaustes, de béliers et de graisse de veaux. Ne continuez pas de m’apporter vos vaines offrandes ! Vos parfums me font horreur, et vos nouvelles lunes, vos sabbats, vos assemblées solennelles : je les hais, ils me sont à charge, j’en suis las. Quand vous tendez vos mains vers moi, je voile mes yeux devant vous, car vos mains sont souillées de sang. Lavez-vous, purifiez-vous ! Otez-moi de mes yeux vos actes méchans ! Cessez de faire le mal. Apprenez à faire le bien, cherchez la justice ! »

Souvent, le découragement le prenait. En vain, le séraphin avait purifié ses lèvres avec le charbon allumé à l’autel du Seigneur, ce peuple auquel il parlait restait impur, et ses paroles tombaient sur des oreilles indifférentes et sourdes. Alors, comme tous les apôtres désillusionnés, comme jadis Moïse, il en appelait de la génération présente à une génération à venir, et par une ironie amère se déclarait envoyé par Dieu pour endurcir le cœur de son peuple :

« Va dire à ce peuple : Entendez, mais sans comprendre ! Voyez, sans reconnaître ! Rends insensible le cœur de ce peuple, bouche-lui les oreilles, ferme-lui les yeux, pour qu’il ne voie de ses yeux, qu’il n’entende de ses oreilles, que son cœur ne comprenne, ni ne se convertisse et qu’il ne soit guéri !

« Et je dis : Jusques à quand, Seigneur ? Et il dit : Jusqu’à ce que les villes soient ruinées et dépeuplées et que le pays soit dévasté et désert. Et s’il y reste un dixième des habitans, ils seront décimés à leur tour. Et comme le térébinthe et le chêne dont