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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/542

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son suzerain. « Je n’ai point affaire avec toi, roi de Juda, » lui fit dire Néchao. Josias, néanmoins, s’avança au-devant de lui et le rencontra à Megiddo. Il tomba percé d’une flèche et revint mourir à Jérusalem, et les hommes et les femmes chantèrent sur lui des lamentations qui se renouvelèrent longtemps chaque année, le jour anniversaire du désastre. Jérémie composa une élégie, qui est perdue, sur le jeune roi qui emportait avec lui tout l’avenir de la réforme. Son fils, Joachaz, couronné roi aussitôt, fut détrôné par Néchao et après trois mois de règne partit captif en Égypte : « Ne pleurez pas sur celui qui est mort, s’écria Jérémie, ne gémissez pas sur lui : pleurez, pleurez sur celui qui s’en va, car il ne reviendra pas et ne reverra plus la terre où il est né ! »

L’agonie de Juda allait commencer. Néchao avait installé pour roi un autre fils de Josias, Joiakim (608-598). Juda devenait un enjeu de plus dans la main de l’Égypte dans sa lutte contre Babylone. Entre les deux formidables adversaires, il fallait au petit Juda, pour n’être pas écrasé, beaucoup d’habileté politique et beaucoup de loyauté. Les successeurs de Josias n’eurent ni l’une ni l’autre. La politique des prophètes était de rester fidèle à Babylone, avec qui Juda s’était lié dès le temps d’Ezéchias et qui avait délivré le monde de Ninive. C’était pour cette politique que Josias s’était fait tuer à Megiddo : c’était la politique de Jérémie, qui sans doute avait approuvé, peut-être conseillé, la marche de Josias : autrement, avec le style de l’homme, au lieu de pleurer sur sa tombe, il y eût versé l’anathème. Déjà d’ailleurs dans le grand duel entre l’Égypte et Babylone, l’Égypte reculait : l’Égypte n’avait de puissance que le souvenir de son passé, et Babel contre l’Égypte, c’était la réalité de la force luttant contre l’ombre. Néchao, vaincu à Carchemis, s’enfuit de l’Euphrate sur le Nil : Nabuchodnozor parut devant Jérusalem et reçut les hommages de Joiakim. Le devoir politique était clair : les jeunes gens qui se succédèrent sur le trône de Jérusalem ne le virent pas. Ils intriguaient avec l’Égypte épuisée, prêtaient l’oreille à ses promesses, s’appuyaient sur le roseau qui leur perçait la main. Trois ans plus tard, après sa soumission au Chaldéen, Joiakim soulevait le joug et refusait le tribut. C’était le commencement de la fin. Une première déportation et le pillage du temple châtièrent la révolte (598). Joiakim était mort durant la guerre : son fils Joiachin, âgé de dix-huit ans, alla, après trois mois de règne et de siège, mourir captif à Babylone. Le dernier fils de Josias, le dernier roi de Jérusalem, Sédécias, renouvelle la folle tentative : elle amène le siège de Jérusalem, la prise et la destruction de la ville, l’incendie du temple, la déportation des hautes classes (588 av. J.-C).

Dès les premiers jours de Joiakim, on put voir clairement que