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ce n’était point seulement la politique extérieure de Josias qui était abandonnée, mais aussi sa politique intérieure, la politique de réformation prophétique. Néchao, en installant Joiakim, lui avait imposé un lourd tribut : Joiakim dut écraser le peuple pour trouver l’or. Pour refaire le pays, il aurait fallu beaucoup de vertus modestes et tout d’abord l’économie. Il ne songeait qu’à se faire bâtir de nouveaux palais, à la façon des rois, au moyen de la corvée. Et pourtant la loi de Jéhovah disait : « Tu ne retiendras pas le salaire de l’ouvrier. » Et Jérémie allait à la porte du palais, criant : « Malheur à celui qui se bâtit sa maison avec l’iniquité et qui fait travailler son prochain sans salaire ! Serais-tu roi par hasard pour te rengorger dans des palais en cèdre ? Ton père mangeait et buvait aussi, mais pratiquait la justice et la charité : béni soit-il ! Il faisait droit aux humbles et aux pauvres : béni soit-il ! C’est pourquoi voici ce que dit Jéhovah au sujet de Joiakim, fils de Josias, roi de Juda : les pleureurs ne pleureront pas sur lui : Ah ! mon frère ! ah ! mes sœurs ! Les pleureurs ne pleureront pas sur lui : Où est mon Seigneur ? Où est sa gloire ? C’est la sépulture d’un âne qu’on lui donnera, traîné et jeté dehors loin des murs de la ville. » Et il lance à la royauté et aux classes dirigeantes l’ultimatum de Jéhovah :

« Roi de Juda, qui sièges sur le trône de David, toi et tes serviteurs et ton peuple, qui venez à ces portes ! Ainsi, dit Jéhovah : « Faites justice et charité ; sauvez celui qu’on dépouille de la main de l’oppresseur ; ne maltraitez, ni n’opprimez l’étranger, l’orphelin et la veuve ; ne versez pas le sang innocent en ce lieu[1]. »

« Si vous agissez suivant cette parole, il entrera encore, par la porte de ce palais, des rois qui s’assiéront près de David, sur son trône, montés sur chars et chevaux, eux, avec leurs serviteurs et leur peuple.

« Mais si vous n’écoutez point ces paroles, j’en jure par mon nom, dit Jéhovah, que ce palais sera livré à la ruine. J’ai déjà consacré pour toi les destructeurs, chacun avec son arme, qui abattront tes beaux cèdres, les jetteront au feu… »

Le jéhovisme restait la religion de l’état, mais une religion vide de sens. « Courez dans les rues de Jérusalem, cherchez dans ses places publiques. Si vous trouvez un homme, un seul, qui fasse le bien et cherche la droiture, je ferai grâce. Mais tout en disant Vive Jéhovah ! ils jurent pour mentir. » Les coups dont Jéhovah les frappe les ont laissés insensibles. Les gens du commun, se dit le prophète, pèchent peut-être par ignorance, parce qu’ils ignorent les voies de l’Éternel ; j’irai chez les grands, qui sont instruits ; mais

  1. Aux portes du palais où se rend la justice.