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lendemain avoir vu « le rayonnement sur tous les visages » et découvert le foyer « dans tous les cœurs. »

Tout en se maintenant soigneusement en dehors des démonstrations politiques, quelles qu’elles fussent, tout en se renfermant avec plus de scrupule que jamais dans les limites de ses attributions spéciales, l’Académie des beaux-arts, durant les deux premières années de la seconde république, ne réussissait pas toujours à se préserver des tentatives extérieures de l’esprit de propagande ou des méprises sur la fonction qu’il lui appartenait d’exercer. Il arrivait, par exemple, qu’on s’adressât à elle pour l’associer à des projets de réforme sociale capables d’assurer une fois pour toutes « le bonheur du genre humain » ou, plus modestement, pour l’intéresser à quelque progrès mécanique ou agricole. Un jour, c’était l’inventeur d’un « métier à faire du fil » qui la priait de lui donner à ce sujet son avis ; un autre jour, un habitant de la campagne envoyait à l’Académie un long mémoire sur les conditions les plus favorables à l’installation d’une ferme, non sans demander aux membres de la compagnie, en échange de cette communication, le don gracieux « d’une charrue. » Peu à peu cependant, soit que les froideurs ou le silence de l’Académie, en pareil cas, eussent découragé ses aventureux correspondans, soit qu’on eût mieux compris de quel ordre de travaux elle était le juge naturel, des ouvertures dans le genre de celles dont nous venons de parler devinrent de plus en plus rares et finirent par cesser à peu près complètement. L’Académie eut encore, — et elle aura sans doute dans tous les temps, — à subir les confidences de plus d’un utopiste, de plus d’un soi-disant possesseur de secrets pour faciliter l’étude de l’art ou pour en perfectionner les moyens pratiques ; mais au moins les questions, dignes d’un examen approfondi ou non qui lui seraient soumises, rentreraient plus exactement dans sa compétence. En attendant, et à l’époque même où son temps se trouvait en partie usurpé par des communications purement oiseuses ou déplacées, la situation que les récens événemens politiques avaient faite en Italie aux pensionnaires de l’Académie de France l’occupait, certes, à bon droit.

La révolution accomplie à Rome en 1869 et le siège par les troupes françaises qui allait en être la conséquence ne pouvaient que rendre au moins difficile le séjour à la villa Médicis des hôtes qu’elle abritait ordinairement. Comment ces compatriotes des assiégeans seraient-ils restés dans la même ville que les assiégés, sans paraître presque faire cause commune avec eux, ou, en cas de scission ouverte, sans s’exposer à leurs vengeances ? Et, d’un autre côté, comment, en quittant volontairement la place, renoncer, sans