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en sa qualité de membre du conseil communal de Rome, pour assurer la conservation des musées et des monumens de la ville. Passe encore s’il se fût contenté de se recommander ainsi à la gratitude des amis des arts et à celle des membres de l’Académie en particulier, ou, — ce qui importait davantage, — de constater l’insignifiance des dommages que quelques-uns de ces monumens avaient subis pendant le siège ; mais le signataire de la lettre avait trouvé bon d’ajouter à ces détails un exposé de ses propres idées sur la portée politique de l’expédition même et sur le rôle imposé à notre armée par le gouvernement de la république française. L’Académie jugea au moins superflu l’avis de son correspondant, et elle chargea son secrétaire perpétuel d’en informer celui-ci en termes assez clairs pour prévenir chez lui toute velléité de récidive. C’est ce qui eut lieu, en effet. M. Canina apparemment se le tint pour dit, puisque, à partir de ce moment jusqu’au jour de sa mort (1856), il ne soumit plus à l’examen de l’Académie que des questions strictement archéologiques. Tout cela, sans doute, n’avait rien de bien grave en soi ; si nous avons cru devoir rapporter ici ce petit épisode de l’histoire de l’Académie à l’époque qui nous occupe, c’est parce qu’il témoigne des difficultés du temps pour la compagnie elle-même.

Peut-être, il faut bien le dire, dans la confusion des tentatives de toute espèce, dans les démarches, les projets de réforme ou les réclamations, qui se produisaient presque chaque jour autour d’elle, l’Académie ne réussit-elle pas toujours à discerner avec une complète exactitude ce qui était en réalité de son ressort et ce dont il ne lui appartenait qu’assez indirectement de s’occuper ; peut-être, par exemple, ne laissait-elle pas de sortir quelque peu de son rôle en adressant, au mois de novembre 1850, une lettre au ministre de l’intérieur pour le prier d’intervenir auprès de son collègue des finances à l’effet d’empêcher la vente, annoncée comme prochaine, d’une partie de la forêt de Fontainebleau. En tout cas, dans l’empressement de son zèle pour les intérêts à défendre, elle avait négligé de se renseigner sur l’authenticité du fait qui semblait les menacer. Au bout de quelques jours, le ministre répondait aux inquiétudes exprimées au nom de l’Académie par son secrétaire perpétuel qu’il n’était nullement question d’aliéner quoi que ce fût de la forêt de Fontainebleau. M. Raoul Rochette, qui l’avait pris, d’ailleurs, sur un ton un peu plus élégiaque qu’il n’était nécessaire pour soutenir la cause des peintres paysagistes et des autres habitués de la forêt, en fut donc pour ses frais de rhétorique, comme l’Académie pour ses craintes : celles que lui inspirait peu après une mesure décrétée par le gouvernement du second empire étaient malheureusement mieux fondées.