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de Tourville et de Sartrouville. Grâce à la première, ils échappent à la difficulté de faire passer le canal devant Elbeuf, dans cette boucle accentuée et rétrécie de la Seine où le thalweg lui-même s’infléchit suivant une courbe de moins de 1,000 mètres de rayon. Ils sont aussi dispensés de rendre mobiles les deux ponts qui réunissent Saint-Aubin et Elbeuf, et ils respectent la ligne de Rouen à Serquigny.

En outre, en vue de supprimer définitivement le grand pont de Brouilly, à l’entrée de Rouen, et les deux ponts d’Oissel et du Manoir, le projet propose de rejeter cette partie de la grande ligne de Paris au Havre d’une rive de la Seine à l’autre, de façon à lui faire d’abord franchir le fleuve à Fréneuse, à quelque distance au-dessous de la dérivation, et ensuite la dérivation elle-même sur un pont que le relief naturel du terrain permet d’établir à 40 mètres au-dessus du plan d’eau du canal. Il est vrai qu’il faudra accéder à ce pont par de fortes rampes et des courbes assez raides peu compatibles avec des services de grande vitesse, mais l’inconvénient n’a paru que secondaire aux auteurs du projet.

La tranchée de Croissy rend au projet un service du même genre en lui évitant l’embarras de remanier les lignes de Saint-Germain et de Mantes et de couper des ponts aussi fréquentés que ceux du Pecq, de Bougival et de Chatou.

Un grand port à Clichy, un autre moins important à Poissy, qui continue à être l’objet d’une secrète prédilection ; quatre ports secondaires aux Andélys, Vernon, Mantes, Argenteuil, et quelques autres aménagemens de détail, complètent les prévisions du projet, dont les auteurs estiment la dépense à 128 millions de francs. C’est moins de 700,000 francs par kilomètre. Ils demandent la concession, sans subvention ni garantie d’intérêt, pour une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans, avec la jouissance, toutefois, pendant cette période, de la partie du lit de la Seine mise à sec par suite des travaux, ainsi que des surfaces du domaine public nécessaires à la construction et à l’exploitation.

Ils seraient, en outre, autorisés à percevoir, tant à la descente qu’à la remonte, par tonneau de jauge, 3 francs à titre de péage et 25 centimes comme droit de pilotage. À ces premières demandes, ils ont ajouté depuis celle de l’abandon à leur profit des droits de quai actuellement perçus par l’État, mais seulement sur les navires qui dépasseraient Rouen. Enfin, s’ils veulent bien admettre que la batellerie actuelle doit continuer à circuler gratuitement et sans être astreinte à aucune redevance, ils prétendent que, lorsqu’elle se servira de leurs ouvrages ou installations, elle pourra être tenue de les rémunérer au moyen de certaines taxes.