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transport à Paris du mouvement maritime des deux ports de la Basse-Seine qui suffirait à leurs vastes ambitions. Ils veulent avoir dans quelques années un mouvement d’au moins 5 millions de tonnes, c’est-à-dire près du tiers du mouvement maritime de toute la France. Ils prétendent faire de Paris un des grands ports du monde, le rendre au moins l’égal de ces grands entrepôts de l’Europe qui s’appellent Londres et Liverpool, y amener tous ces nombreux navires qui aujourd’hui vont à Anvers, à Rotterdam et à Hambourg. Pour déterminer ce changement de courant du commerce maritime, il faut lui offrir des avantages substantiels, et l’économie des frais de transport est certainement de tous le plus propre à toucher. Or, d’après le projet, cet avantage, indispensable au succès de l’entreprise, résultera : 1° de la facilité de trouver à Paris un fret de sortie généralement égal aux deux tiers de celui d’entrée ; 2° de la suppression du transbordement à Rouen ; 3° du moindre prix du transport de Rouen à Paris.

Quant au premier point, il faut remarquer tout d’abord que cette proportion entre le fret d’entrée et le fret de sortie ne se réalise actuellement dans aucun de nos ports. A Marseille et à Bordeaux, où elle est le plus favorable, elle ne dépasse pas 60 pour 100 ; à Dunkerque, elle est de 36 pour 100 ; au Havre, de 52 pour 100 ; à Rouen, de 26 pour 100 seulement. En mettant ensemble tous les ports de France, on trouve que le fret de sortie en poids ne représente que 46 pour 100 du fret d’entrée. Cette situation s’explique naturellement. Nous importons principalement des matières premières, lourdes, encombrantes, de bas prix, constituant, pour ceux qui nous les envoient, un excellent élément de fret. Au contraire, nous exportons surtout des produits fabriqués, d’une grande valeur, sans doute, mais de faible poids, et cela est plus vrai encore à Paris que partout ailleurs. Or, comme on l’a très justement dit, en marine, la valeur ne paie pas. Mieux vaut transporter 100,000 fr. de charbon que 20 millions de soieries. On ne voit donc pas que le fait de charger à Paris doive accroître l’importance du fret de sortie.

L’économie du transbordement parait réelle, au premier abord. Quant à ce qu’elle représente, on a beaucoup disputé autour de 1 franc et de 0 fr. 75. Pour beaucoup de marchandises, telles que les grains, la houille, le transbordement du navire dans un chaland coûte beaucoup moins. Pour quelques autres, les longs bois de charpente, par exemple, il coûte beaucoup plus. On peut d’ailleurs admettre l’un ou l’autre des deux chiffres ; il importe peu. L’économie est plus apparente que réelle. Elle n’est, en effet, applicable en totalité qu’à la très petite fraction de marchandises qui serait