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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/652

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prix pour Rouen. C’est beaucoup plus que ce que demande la batellerie pour prendre ce charbon à Rouen et l’apporter à Paris.

Tout au plus, donc, seraient-ce les longs courriers pour qui cette considération de quelques jours de plus, ajoutés à une traversée déjà longue, serait de moindre importance. Mais nous avons vu que les longs courriers ne seront pas fréquens. Pour tous les bâtimens de mer s’engageant dans le canal, il y aurait aussi à tenir compte d’une surprime d’assurances, ce qui n’a pas lieu avec les bateaux de rivière, dont le fret comprend l’assurance.

La batellerie, avec ses bas prix, — et ils ne sont pas à leur limite extrême, — fera donc les transports à des conditions plus avantageuses pour le commerce que les navires de mer. Il n’y aurait à peu près égalité de conditions que s’il n’était pas perçu de taxes sur le navire de mer. Mais alors pourquoi faire cette grosse dépense, dont on ne sera pas rémunéré, et qui n’aura même pas servi à assurer une économie de transport ?

Mais, dira-t-on, et Anvers ? la laisserez-vous en possession paisible de ce vaste champ d’action qui s’étend jusqu’en Suisse, en comprenant et nos provinces de l’Est, et l’Alsace et la Lorraine, et une partie de l’Allemagne méridionale ?

Observons que, soit par chemin de fer, soit par eau, Anvers est plus près que Paris de Givet, de Charleville, de Longwy, de Luxembourg, de Metz, et même de Strasbourg. La différence est à l’avantage de Paris sur les directions de Mulhouse, Belfort et Bâle. Si donc les marchandises arrivaient de la mer au même prix à Paris qu’à Anvers, et qu’ensuite leur réexpédition dût avoir lieu à un prix rigoureusement basé sur la distance à parcourir, Paris ne devrait logiquement comprendre, dans son rayon d’action, que la partie tout à fait méridionale de l’Alsace et la Suisse, et abandonner le surplus à sa rivale. Mais la règle kilométrique n’est pas celle qui préside aux opérations de transport à grande distance. Plus la distance augmente, plus le prix kilométrique diminue. C’est ainsi qu’entre Rouen et Le Havre, d’une part, et les régions de l’Est : Longwy, Nancy, Varangeville et même Strasbourg, s’effectuent dès aujourd’hui, par chemin de fer, mais surtout par eau, des transports qui, d’après la règle des distances kilométriques, devraient appartenir à Anvers.

Ce mouvement, qui a toujours existé, qui se développe progressivement, est susceptible d’extension. On peut y aider beaucoup, chacun dans sa sphère : la batellerie, par une meilleure organisation, un esprit commercial plus actif, qui voudra découvrir les occasions de transport en créant et en entretenant des relations