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puis le Huron, et enfin le Michigan, tous réunis les uns aux autres par une canalisation déjà importante. Pourquoi, par l’approfondissement de ces quelques tronçons de canaux, n’avoir pas ouvert aux bâtimens de mer ces lacs immenses où semblent, à première vue, les appeler des ports comme Toronto, Rochester, Buffalo, Détroit, et enfin dans l’enfoncement du Michigan, après Milwaukee, le grand emporium de Chicago ?

L’esprit d’entreprise ne manque pas aux Américains. Pourquoi n’ont-ils pas voulu tenter celle-ci ? Par cette raison très pratique et très sensée, que la navigation des lacs, calme et sûre, n’exige pas l’appareil coûteux destiné à résister aux fureurs de l’océan ; qu’un bateau de construction légère, avec un armement sommaire et un équipage réduit, y rend les mêmes services à un moindre prix, et qu’il est encore plus avantageux, en somme, de transborder la marchandise à Montréal que d’envoyer le navire de mer aller la chercher là où, plus économiquement que lui, le bateau des lacs peut se transporter.

Ce qui est vrai là-bas est vrai ici, et par les mêmes raisons.


Ici, en outre, les demandeurs en concession ont dû s’engager à respecter les droits acquis à la batellerie ; ils devront lui laisser la liberté de circulation et ne pourront la frapper d’aucune taxe. Il y a là un principe de justice qui ne peut être violé. C’est donc seulement aux navires de mer qu’on pourra demander un droit de 3 fr. 25 par tonneau de jauge, tant à la montée qu’à la descente, soit 7 fr. 50 pour un voyage complet. Le bateau de rivière ne paiera rien.

Pour atténuer les conséquences de cette inégalité de traitement entre les deux modes de transport, le projet admet, sans d’ailleurs donner ses motifs, que les armateurs ne réclameront pas pour Paris un fret plus élevé que pour Rouen. La chambre de commerce de Dunkerque, qui a très bien étudié cette question, a démontré que cette hypothèse ne se réaliserait pas pour le grand cabotage, c’est-à-dire pour les navires venant d’Angleterre, d’Espagne, de Portugal, des mers du Nord et de la Baltique, qui, s’ils remontent à Paris, feront, dans le cours de l’année, un moindre nombre de voyages que s’ils s’arrêtent à Rouen. Pour les transports des charbons de Cardiff, par exemple, si le voyage, aller et retour, est de neuf jours avec Rouen pour terminus, dans les conditions les plus favorables, il serait de douze à treize avec Paris. Ce serait, dans le premier cas, dix voyages par trimestre, et seulement sept et demi dans le second. Il en résulterait, en tenant compte de la taxe perçue à chaque voyage, un excès de plus de 5 francs par tonne sur le