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jusqu’ici de réaliser et devant lesquelles il semble s’arrêter aujourd’hui un peu découragé, la réforme des habitudes administratives, tout en étant plus modeste, ne serait peut-être pas la moins pressante et la moins utile.

Les réformes, les agitations, les manifestations d’opinion sont de tous les pays aujourd’hui. Elles occupent l’Allemagne elle-même à travers les diversions de sa politique ; elles occupent des nations moins puissantes comme la Belgique, dont les affaires semblent se ressentir de ce mouvement ou de cet ébranlement universel. Il y a peu de temps encore, le gouvernement se trouvait quelque peu surpris par des apparences d’indiscipline et de mutinerie qui se manifestaient dans les milices et étaient tout au moins des symptômes assez médiocrement rassurans. D’un autre côté, les grèves qui se succèdent dans les principaux centres industriels et prennent chaque jour des proportions croissantes ont tout l’air d’être le prélude ou le signe d’une agitation plus vaste qui s’organise, qui s’essaie et pourrait devenir un embarras. Au milieu de tout cela, s’est élevé un problème d’un ordre tout politique qui ne laisse pas d’être sérieux et singulièrement délicat ; c’est ce problème de la révision qui a été un peu imposé par les mouvemens populaires, qui touche à l’organisation constitutionnelle de la Belgique et reste désormais la plus épineuse affaire, l’obsession des pouvoirs publics.

La question est dans l’extension du droit de suffrage, qui implique elle-même la révision de trois ou quatre articles de la constitution. Elle est devenue assez pressante, cette grave et inévitable question pour que tous les partis l’acceptent ou la subissent et pour que le ministère, tout conservateur et catholique qu’il soit, n’ait pas cru possible de l’éluder. Le principe est admis, il a même été voté par la chambre des représentans ; mais dans quelle mesure cette réforme sera-t-elle accomplie ? Ira-t-on jusqu’au bout, jusqu’au suffrage universel réclamé par les pétitions populaires, par les masses belges ? Quelles seront les conséquences de la révision dans l’organisation du sénat, dans les élections provinciales et communales ? C’est ici que commencent les complications, d’autant plus que si au premier moment tout le monde a paru d’accord pour saluer un principe platonique, les dissentimens n’ont pas tardé à se manifester, et le gouvernement qui a pris l’initiative de la révision s’est bientôt trouvé, comme on dit, entre deux feux. Une partie de la droite, de la majorité ministérielle, inspirée par un de ses chefs, M. Wœste, n’a pas déguisé ses antipathies et contre le suffrage universel et en définitive contre toute révision. D’un autre côté, les libéraux de tradition, dirigés par M. Frère-Orban, sans être opposés à la révision, se sont montrés visiblement, eux aussi, peu enthousiastes pour le suffrage universel et ont paru se retrancher dans une sorte d’expectative, laissant par tactique au ministère la