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un monument complet et varié de l’art français dans toutes ses branches et de l’histoire de ma patrie à des époques de gloire, j’ai résolu d’en confier le dépôt à un corps illustre qui m’a fait l’honneur de m’appeler dans ses rangs à un double titre[1], et qui, sans se soustraire aux transformations inévitables des sociétés, échappe à l’esprit de faction, comme aux secousses trop brusques, conservant son indépendance au milieu des fluctuations politiques. »

Deux ans plus tard, en 1886, le projet ainsi formé en secret par le prince se convertissait en un acte public, en une donation immédiate et irrévocable, sous réserve seulement d’usufruit pour le donateur. Bientôt un décret du président de la république, ratifiant l’acceptation provisoire faite par les cinq Académies, autorisait l’Institut de France « à accepter définitivement la nue-propriété du domaine de Chantilly et des livres, collections et objets d’art de tout genre rassemblés dans le château. » Ce sera donc à l’expiration de l’usufruit que la fondation instituée par M. le duc d’Aumale aura ses effets pratiques, « si avantageux, comme on l’a très bien dit[2], non-seulement pour l’Institut, mais aussi et surtout pour la France, car l’Institut n’a que l’honneur d’être l’organe de la généreuse pensée du donateur. Il n’est qu’un dépositaire chargé de faire jouir le public des admirables collections que renferme le château de Chantilly, de distribuer des pensions aux hommes de lettres, aux savans, aux artistes et de décerner des prix aux jeunes gens qui se vouent à la carrière des lettres, des sciences et des arts. » Et c’est aux applaudissemens unanimes des cinq Académies réunies en séance plénière que celui qui leur avait adressé ces paroles ajoutait : » L’Institut de France est aussi fier qu’il est reconnaissant d’avoir été choisi pour remplir cette mission et pour devenir ainsi le ministre d’une libéralité digne du pays auquel elle est offerte, digne du prince donateur et de sa famille, digne du corps illustre qui en aura reçu le dépôt. »

Nous avons achevé de résumer dans ses traits principaux l’histoire de l’Académie des Beaux-Arts depuis le jour où elle a commencé de faire partie de l’Institut de France et d’y vivre, tout en gardant son existence propre, de la vie commune aux représentans

  1. M. le duc d’Aumale avait été élu membre de l’Académie française en 1871 et membre libre de l’Académie des Beaux-Arts en 1880. Une troisième élection l’a appelé en 1889 à faire partie de l’Académie des Sciences morales et politiques, comme membre de la section d’histoire générale et philosophique.
  2. Rapport fait à l’assemblée générale de l’Institut dans la séance du 27 octobre 1886 par M. Léon Aucoc, membre de l’Institut, secrétaire de la commission centrale administrative.