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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/809

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conformation vicieuse du corps, soit au trouble ou à la paresse des fonctions de respiration, de circulation et même de digestion.

L’idée médicale domine donc tout le système ; elle est l’esprit même de la gymnastique suédoise et se manifeste clairement dans les règlemens de l’Institut central, qui imposent, dès la première année d’études, à côté des exercices pédagogiques et militaires, l’apprentissage et l’application des mouvemens curatifs et même du massage, qu’on ne sépare pas de la gymnastique médicale.

Il faut convenir que l’union trop intime de la gymnastique médicale avec la gymnastique pédagogique et militaire complique singulièrement l’étude du système et produit dans l’enseignement des contrastes choquans. C’est ainsi, par exemple, que chaque élève doit suivre les trois cours spéciaux qui constituent les trois branches de l’enseignement, et cela, successivement, dans la même journée, si bien que les mêmes jeunes gens qui apprennent, dans la matinée, à donner la leçon de gymnastique à des enfans des écoles, viennent ensuite étudier le maniement des armes et terminent leur journée en s’exerçant à pratiquer le massage et à faire exécuter aux malades les divers mouvemens curatifs prescrits par le médecin. — Un visiteur qui n’est pas au courant de cette organisation ne peut manquer de s’étonner un peu quand on le fait assister tour à tour, sans quitter les bâtimens de l’Institut central, à une leçon de pédagogie, à une séance d’escrime au sabre, et à une clinique médico-chirurgicale. Mais sa surprise devient de la stupéfaction quand il reconnaît, dans les aides médicaux chargés de faire subir aux organes les plus sensibles du malade des manipulations d’une extrême délicatesse, les mêmes jeunes gens qu’il a vus, un quart d’heure plus tôt, manier avec tant de vigueur le sabre de cavalerie.

C’est ainsi qu’il existe, dans l’enseignement et l’application de la gymnastique suédoise, certains détails qui peuvent choquer le goût de l’observateur et faire tort à sa première impression. Nous avons tenu à en signaler quelques-uns, non pour battre en brèche cette doctrine si féconde, malgré ses imperfections de détails, mais, au contraire, pour mettre l’observateur en garde contre lui-même et l’engager à ne pas trop hâter son jugement. Il serait puéril de condamner pour des reproches si futiles une organisation devant laquelle la nôtre ne peut, hélas ! soutenir aucune comparaison.

Le singulier mélange que font les Suédois de la médecine et de l’art militaire a produit quelquefois chez nous des malentendus qu’il n’est pas sans intérêt de signaler. Les élèves militaires qui ont obtenu leur diplôme complet à l’Institut sont à la fois officiers-instructeurs de l’armée et gymnastes médicaux. Ce cumul, tout à fait conforme à l’esprit du système de Ling, est fort peu dans