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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/103

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du nord. Il fit de sa cour le rendez-vous de savans et de poètes dont les noms ne sont pas tous oubliés. Un jour il apprenait que le célèbre monastère bouddhique de Nâlanda donnait l’hospitalité à un pèlerin fameux venu de Chine pour visiter les lieux sanctifiés par la présence du Bouddha et pour recueillir les livres sacrés de sa doctrine. Il voulut voir Hiouen-Thsang et le questionner. Les itinéraires du pieux voyageur ont, en retour, perpétué et idéalisé sa mémoire. Ils restent un témoignage touchant des liens d’admiration et d’amitié qui s’établirent entre les deux hommes. Le biographe de Hiouen-Thsang nous montre Harsha instituant, à la façon indienne, des conférences contradictoires où le moine étranger l’emporte sur ses adversaires et assure à ses doctrines un triomphe éclatant. Malgré l’enthousiasme de son ami, il ne faudrait pas croire que le roi fût d’un bouddhisme intransigeant. Pour honorer, avant son départ, le moine étranger, il institue, au confluent de la Jumna et du Gange, une de ces énormes, de ces prodigues distributions d’aumônes qui étaient, chez les souverains bouddhistes, une vieille institution ; au témoignage même du biographe chinois, si le Bouddha et les moines bouddhiques eurent les premiers jours, les dieux brahmaniques et leurs sectateurs ne furent point oubliés dans les suivans. Harsha continuait la tradition de tolérance qu’avait inaugurée Açoka, son lointain prédécesseur. Il faut qu’il ait usé d’un large éclectisme ; car, si son ami chinois le revendique pour le bouddhisme, ses panégyristes hindous ne laissent rien soupçonner d’une pareille hétérodoxie. Parmi les pièces qui portent son nom, l’une, empruntée à la légende bouddhique, est pleine de sentimens et d’idées bouddhiques : elle s’ouvre par un hommage au Bouddha ; les autres, par l’adoration de Siva. Sont-elles bien de ce roi Harsha, que les prologues décrivent entouré d’une cour de vassaux et dont ils vantent le talent poétique ? Il n’est pas rare, dans l’Inde, que la flatterie des poètes de cour attribue à des patrons généreux l’honneur de leurs productions. Qu’il ait ou non écrit lui-même les drames qui lui sont assignés, il se plaisait à en recueillir la gloire ; il aimait à s’entourer de ces Bânas, de ces Dhâvakas, à qui d’autres traditions en attribuent la paternité. Leur date n’en reste pas moins certaine. Nous voyons de quel milieu affiné, de quelle culture aristocratique et artificielle ils sont sortis.

À cet égard, les autres œuvres de la période que nous envisageons ici ne sauraient se séparer de celles de Harsha. Toutes ont même caractère : œuvres savantes, nullement spontanées, il s’en dégage un type uniforme et caractéristique.

Il s’agit de dix pièces, c’est à savoir : le Chariot de terre cuite, attribué à Çoûdraka ; trois de Kâlidâsa : Mâlavikâ, Çakountalâ et Ourvaçî ; trois de Harsha : Ratnâvalî, Priyadarçikâ et la Joie des