Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

serpens (nâgânanda) ; trois de Bhavabhoûti : Mâlati, l’Histoire du Héros (c’est-à-dire de Râma), et la Fin de l’histoire de Râma. Je n’en saurais entreprendre ici l’analyse. Je veux simplement, en en groupant quelques-unes d’après les genres dont elles relèvent, marquer le terrain où elles nous transportent.

Le nâtaka, d’abord ; il est réputé la forme dramatique la plus élevée : il puise ses sujets dans la légende épique. Il n’en est aucun spécimen où le merveilleux ne tienne une place. Dans Çakountalâ, du moins, il est manié avec assez de dextérité et de réserve pour ne point décourager l’intérêt humain que nous demandons au théâtre.

Les sept actes mettent en scène l’histoire épique du roi Doushyanta. Égaré à la chasse, il rencontre dans l’ermitage de Kanva, absent, Çakountalâ, la fille de l’apsaras Menakâ ; une vive passion rapproche aussitôt les deux héros. À peine leur mariage consommé, le roi retourne dans sa capitale ; Çakountalâ doit l’y suivre bientôt. En effet, Kanva revient et s’empresse de la renvoyer à son royal époux. Mais, hélas ! absorbée par son amour, la fille de l’apsaras a négligé un jour de rendre les devoirs de l’hospitalité à un saint irritable ; sa malédiction la condamne, sans qu’elle s’en doute, à ne pas être reconnue par le roi avant qu’il ait revu certain anneau qu’il a remis à sa fiancée. Cet anneau, Çakountalâ l’a perdu en chemin ; il est retrouvé par un pêcheur dans le corps d’un poisson ; mais déjà Çakountalâ, éconduite par le roi, a été enlevée au ciel dans un éclair. Doushyanta, à qui la mémoire est revenue trop tard, est arraché à ses tristesses par l’intervention d’Indra, le roi des dieux, qui réclame son assistance contre les démons ennemis. Il vient d’achever ses exploits, il traverse l’espace sur un char merveilleux, quand il retrouve son fils, déjà grandi, qui, avec sa mère, a reçu asile dans l’ermitage céleste de Mâritcha. La pièce se termine dans les effusions d’une réunion si longtemps retardée.

Avec Bhavabhoûti, ce n’est pas un simple épisode, c’est une épopée que nous embrassons dans un seul drame ; l’Histoire du Héros présente dans ses sept actes un raccourci du Râmâyana tout entier. Râma rencontre à l’ermitage de Viçvâmitra la belle Sîtâ, la fille du roi Djanaka, s’en éprend et l’épouse, non sans avoir fait les premières preuves de son héroïsme contre des démons terribles. La main de Sitâ était convoitée par Râvana, le chef des Râkshasas, génies redoutables, et roi de Ceylan. Les manœuvres de son ministre Mâlyavat, jaloux de venger la déconvenue de son maître, mettent d’abord Râma en lutte avec le terrible héros Paraçourâma ; Râma sort vainqueur de l’épreuve. Mâlyavat ne se décourage pas ; grâce à ses prestiges magiques, il le fait exiler par son père, le roi Daçaratha, trop fidèle à une promesse imprudente. Nous retrouvons Râma