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et son frère Lakshmana dans la forêt où ils promènent leur exil ; le héros signale sur les génies malfaisans la puissance de son bras. Mais Sîtâ lui est ravie ; Râvana la trompe par ses déguisemens et l’enlève à Ceylan à travers l’espace. En vain Djatâyou, le roi des vautours, a essayé de combattre le ravisseur. Râma se jette à la recherche de la reine. D’abord, sur l’invitation d’un frère exilé de Râvana, il se rend chez le roi des singes, qui tente inutilement de lui barrer la route, et dont le frère Sougrîva devient, en lui succédant, l’allié fidèle du héros. Tous ensemble assiègent Ceylan ; les défenseurs tombent l’un après l’autre jusqu’à ce que Râvana lui-même succombe sous les coups de Râma. Sitâ est lavée, par l’épreuve du feu et par les témoignages divins, des doutes que son séjour forcé entre les mains de Râvana pourrait éveiller sur sa pureté. Râma la ramène en vainqueur à Ayodhyâ, sa capitale, sur un char divin du haut duquel il décrit en passant tous les spectacles de la route.

La petite comédie héroïque, la nâtikâ, nous ramène sur la terre. La Mâlavikâ de Kâlidâsa en est pour nous le premier exemplaire ; elle en est le type achevé. Qu’il s’agisse de Mâlavikâ, de Ratnâvali, de Priyadarçikâ ou de quelque autre héroïne, la marche de la pièce est réglée d’avance. M. Lévi la résume heureusement : « Une princesse destinée à un roi est victime d’un accident qui paraît l’éloigner à jamais de l’union projetée ; elle entre comme suivante, sans être reconnue, au service de la reine qu’elle doit supplanter. Le roi la voit, est frappé de sa beauté, il l’aime ; il surprend les confidences de la jeune fille, dont l’amour ne s’est point égaré ailleurs. Les amans se donnent rendez-vous, l’étourderie du bouffon permet à la reine de troubler leur première union ; la reine est furieuse ; le roi cherche à l’apaiser, mais il est pris en récidive d’inconstance. Une circonstance de hasard change les dispositions de la reine ; elle s’adoucit, offre elle-même au roi la main de sa rivale (à qui quelque signe de reconnaissance, un bijou ou quelque autre, permet de restituer son vrai rang) ; le plus souvent le nouveau mariage assure à l’époux, en vertu d’une prophétie, la souveraineté universelle. » Dans ces termes généraux, l’analyse s’applique également à toutes les pièces du même ordre ; le roi porte d’ordinaire un nom historique que la légende a entouré d’un particulier éclat. Il n’y a de variété que dans les détails : l’incident, portrait, conversation surprise, par lequel les amans ont connaissance de leurs sentimens réciproques, les petites traverses qui retardent leur union, l’occasion qui apaise la jalousie de la reine et fait reconnaître la princesse ignorée.

Le prakarana nous ramène plus près du niveau de la vie commune ; c’est ce qu’on peut appeler la comédie bourgeoise. La