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rabbins et grands-rabbins, seront nommés ou agréés par le gouvernement et payés par lui, directement de sa bourse, ou indirectement, grâce à lui, par un arrêté « exécutoire » de ses préfets. Tous les professeurs des séminaires protestans ou catholiques seront nommés et payés par le gouvernement. Quel que soit le séminaire, protestant ou catholique, son établissement, ses règlemens, sa police intérieure, l’objet et l’esprit de ses études seront soumis à l’approbation du gouvernement. Dans chaque culte, une doctrine distincte, formulée, officielle, dirigera l’enseignement, la prédication, toute instruction publique ou particulière : pour le culte israélite, c’est « la doctrine enfermée dans les décisions du grand sanhédrin[1] ; » pour les deux cultes protestans, c’est la doctrine de la confession d’Augsbourg, professée dans les deux séminaires de l’Est, et la doctrine de l’Église réformée, professée dans le séminaire de Genève[2] ; pour le culte catholique, ce sont les maximes de l’Église gallicane, c’est la déclaration faite par l’assemblée du clergé en J682[3], ce sont les quatre célèbres propositions qui dénient au pape toute autorité sur les souverains dans les choses temporelles, qui subordonnent le pape aux conciles œcuméniques dans les choses ecclésiastiques et spirituelles, qui, dans le gouvernement de l’église française, donnent pour limites à l’autorité du pape les anciens usages ou canons reçus par cette église et adoptés par l’État.

Partant, en matière ecclésiastique, l’ascendant de l’Etat grandit au-delà de toute mesure et reste sans contrepoids. Au lieu d’une église, il en tient quatre, et la principale, la catholique qui comprend 33 millions de fidèles, plus dépendante que sous l’ancienne monarchie, perd les privilèges qui autrefois limitaient ou compensaient sa sujétion. — Jadis le prince était son chef temporel, mais à des conditions onéreuses pour lui, à condition d’être son évêque extérieur et son bras séculier, de lui livrer le monopole de l’éducation et la censure des livres, de lui prêter main-forte contre les hérétiques, les schismatiques et les libres penseurs. De toutes ces obligations acceptées par les rois, le souverain nouveau se décharge, et néanmoins il se réserve, auprès du saint-siège, les mêmes prérogatives, et, sur l’Église, les mêmes droits que ses prédécesseurs. Aussi minutieusement qu’autrefois, il régente les détails du culte. Tantôt il fixe le casuel et les honoraires dus au

  1. Décret du 17 mars 1808, articles 12, 21.
  2. Articles organiques (cultes protestans), 12 et 13.
  3. Articles organiques (culte catholique), 24 : « Ceux qui seront choisis pour l’enseignement dans les séminaires souscriront la déclaration faite par le clergé de France en 1682 ; ils se soumettront à enseigner la doctrine qui y est contenue. »