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sœurs de Saint-Vincent de Paule, ayant refusé de mettre Mme Laetitia à la tête du conseil de l’ordre, est enlevé de nuit, enfermé à Fenestrelles, et les sœurs qui, conformément aux instructions de leur premier fondateur, ne veulent pas reconnaître une supérieure nommée par le pouvoir civil, sont traitées comme autrefois les religieuses de Port-Royal. « Il est temps[1] de finir ce scandale des sœurs de charité en révolte contre leurs supérieures. Mon intention est de supprimer les maisons qui, vingt-quatre heures après l’avertissement que vous leur donnerez, ne seront pas rentrées dans la subordination. Vous remplacerez les maisons supprimées, non par des sœurs du même ordre, mais par celles d’un autre ordre de charité ; les sœurs de Paris y perdront leur influence, et ce sera bien. » Quelles que soient les communautés, l’autorisation qui les institue n’est qu’une grâce, et toute grâce accordée peut être retirée. « Je ne veux plus de missions quelconques[2] ; j’avais établi des missionnaires à Paris et je leur avais accordé une maison : je rapporte tout. Je me contente d’exercer la religion chez moi, je ne me soucie point de la propager à l’étranger… Je vous rends responsable si (d’ici à un mois), au 1er octobre, il y a encore en France des missions et des congrégations. » — Ainsi vit le clergé régulier, à titre révocable, par tolérance, sous l’arbitraire, suspendu à un fil qui, demain peut-être, sera coupé net par le bon plaisir.


VII

Reste le clergé séculier, mieux garanti, à ce qu’il semble, et par un statut moins précaire ; car ce statut est un acte international et diplomatique, un traité solennel et bilatéral qui engage le gouvernement français, non-seulement envers lui-même, mais envers un autre gouvernement, envers un souverain indépendant, envers le chef reconnu de toute l’Église catholique. — Par conséquent, il importe avant tout de relever et d’exhausser les barrières qui, dans l’ancienne France, séparaient le clergé séculier du pape, les règles et coutumes qui faisaient de l’Église gallicane une province à part dans l’Église universelle, les franchises et servitudes ecclésiastiques qui restreignaient la juridiction du pape pour étendre la juridiction du roi. Toutes ces servitudes au profit du souverain laïque et toutes ces franchises au

  1. D’Haussonville, ibid. Lettre de Napoléon au ministre des cultes, 3 mars 1811 (omise dans la correspondance).
  2. Id., IV, p. 133. (Lettre de Napoléon, 2 septembre 1809, omise dans la correspondance.)