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LE
DROIT DES GENS
ET
LA LOI DE LYNCH AUX ETATS-UNIS

Le 15 mars 1891, on apprit en Europe que la Nouvelle-Orléans venait d’être le théâtre d’un drame sanglant. Beaucoup d’Italiens, dont un assez grand nombre se sont fait naturaliser Américains, habitent cette ville, où ils s’emploient à toute espèce de travaux. Dix-neuf d’entre eux, originaires de la Sicile, impliqués dans l’assassinat d’un nommé David Hennessy, chef de la police, avaient été renvoyés devant le jury de jugement. Quelques-uns étaient acquittés ; pour d’autres, le jury ne s’était pas mis d’accord et la justice devait surseoir ; d’autres enfin n’avaient pas encore comparu. Onze sur dix-neuf venaient d’être arrachés à leurs juges naturels, et massacrés dans leur prison par un certain nombre d’hommes armés. A la suite de cette odieuse exécution, plusieurs meetings avaient été tenus au Bureau du commerce, à la Bourse du coton, à la Bourse du sucre, à la Bourse des fonds publics, et l’on y avait hautement approuvé la conduite des exécuteurs.

Cette nouvelle surprit la plupart des Français, persuadés, sur la foi de quelques écrivains, que le lynchage avait cessé d’être à la mode. Mais elle étonna particulièrement les jurisconsultes, d’autant plus désappointés qu’ils avaient mieux étudié la législation des États-Unis et plus souvent félicité le peuple américain de protéger