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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/354

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bien d’autres, une usurpation tolérée et non un commencement de guerre civile. A la Nouvelle-Orléans, par exemple, Parkerson et Houston n’ont pas même eu la pensée de refuser au grand jury la liste des ligueurs qui avaient organisé le massacre : ils ont fait cette démarche avec une docilité parfaite, en se bornant sans doute à répéter le mot célèbre : On n’oserait ! En effet le grand jury, plus tard, n’a rien osé, si ce n’est affirmer que la spontanéité de l’élan populaire ne lui permettait pas de déterminer les responsabilités ! Mais rien n’avait été changé, dans l’après-midi du 14 mars, à la Louisiane ; il n’y avait qu’un lynching de plus et quelques Italiens de moins.

On débat passionnément aux États-Unis, depuis quelques semaines, la question suivante, dont on apercevra bientôt l’intérêt pratique : la loi des nations est-elle en cause ? et plusieurs jurisconsultes américains, parmi lesquels le juge Gresham, de Chicago, ont tenté d’établir qu’elle n’avait rien à faire dans le conflit actuel[1]. Tel n’est pas notre avis.

Il existe entre les nations, en dehors des traités, certains devoirs mutuels comme il en existe, en dehors des contrats, entre les individus. On a même remarqué que l’accomplissement des devoirs internationaux, au moins des devoirs « parfaits » engendrant une obligation stricte, offre un caractère particulièrement impératif parce que, à défaut d’un arbitre suprême institué pour apprécier les infractions commises, la réparation est plus difficile. Il n’est loisible à qui que ce soit, par exemple, sur le territoire d’un état quelconque, de léser les droits souverains d’un état étranger, d’insulter son pavillon, de maltraiter ses envoyés, quoique aucune stipulation conventionnelle n’ait prévu ni puni de tels actes. « L’état, remarque à ce sujet M. Calvo, n’est pas seulement obligé d’assurer l’empire de la justice entre les divers membres de la société dont il est l’organe, il doit encore et tout particulièrement veiller à ce que tous ceux qui sont placés sous son autorité n’offensent ni les gouvernemens ni les citoyens des autres pays. » Oui, sans doute, un état peut engager sa responsabilité personnelle en tolérant des crimes ou des délits qui ne portent atteinte qu’à la sécurité, aux droits et à la propriété des particuliers, sujets d’un autre état, u Si vous lâchez la bride à vos sujets contre les nations étrangères, dit encore Vattel, celles-ci en useront de même envers vous ; et au lieu de cette société fraternelle, que la nature a établie entre tous les hommes, on ne verra plus qu’un affreux brigandage de nation à nation. » Vattel ajoute : « Si la nation ou son

  1. New-York weekly Post, 1er avril.