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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/376

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puits de 110 mètres qui appartenait aux frères Mirzoïef, et qui, après avoir lancé près de 4,000 hectolitres par jour, finit par donner régulièrement du pétrole pendant près de sept ans. De même encore, en 1879, la compagnie Caspienne achetait de M. Menatzakanof un puits qui avait produit par jour près de 27,000 hectolitres, pour la modeste somme de 2,000 francs, et ce puits ralentit sa production au bout de quatre mois seulement ; la même compagnie avait eu l’année précédente un puits qui lançait par jour 8,000 hectolitres. Ces puits jaillissans sont toujours très désavantageux ; le pétrole se perd ou se vend à bas prix, quelquefois à 1 franc la tonne, et les voisins réclament souvent des indemnités pour les dégâts causés.

Aucun accident de ce genre n’arrive aux États-Unis ; d’abord, parce que les sources y sont beaucoup moins abondantes, — on sait que le Droojba lançait en un jour autant de pétrole qu’on en recueille en vingt-quatre heures dans les 25,000 puits de l’Union ; — et aussi, parce que l’exploitation américaine est admirablement organisée. Là, pas une goutte de liquide n’est perdue ; les gaz hydrocarbonés sont employés à la métallurgie, tandis que les 100,000 mètres cubes de gaz qui se dégagent chaque jour des 500 puits de Bakou sont perdus et s’échappent librement dans l’atmosphère. En Amérique, chaque propriétaire dispose d’immenses réservoirs, et le surplus de son pétrole peut être emmagasiné provisoirement dans des réservoirs plus grands encore, construits par des sociétés. Les tuyaux qui font communiquer les puits avec les réservoirs communs s’appellent pipe lines, et les compagnies concessionnaires sont l’United pipe lines C° et la Tide water pipe line C°. Quand un propriétaire a rempli son réservoir, il fait venir un agent de la compagnie, qui constate le volume du liquide à emmagasiner et, après avoir délivré un certificat, laisse couler dans le réservoir commun la quantité marquée. Le certificat donne le droit au porteur de réclamer la quantité marquée, moyennant une redevance pour les frais d’emmagasinage. Ce sont ces certificats qui sont vendus sur le marché de New-York et donnent lieu à une spéculation qu’on peut à peine se figurer, puisque assez souvent, en une « Bourse, » on traite de 30 à 40 millions d’hectolitres. De cette façon, le propriétaire n’est jamais encombré de son pétrole, et ne cherche jamais, comme celui de Bakou, à s’en débarrasser à tout prix. On cite, dans l’Apchéron, l’histoire de MM. Orbelovi frères, qui, en 1881, possédaient un puits de 160 mètres de profondeur et de 30 centimètres de diamètre dont le forage avait duré plusieurs années. En une semaine, le puits vomit un jet de 180,000 hectolitres : le spectacle était magnifique, mais on n’a que faire d’émotions de ce genre dans l’industrie pétrolifère. Les