Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/386

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

agitateur, c’est-à-dire dans un réservoir cylindrique de 1,000 à 1,500 hectolitres en forte tôle et mis en communication avec une puissante pompe à vapeur. Il faut, pour que la couleur du liquide soit suffisamment limpide, et aussi pour d’autres raisons, que la température soit assez basse, soit 17 à 18 degrés centigrades ; on commence donc par refroidir, à l’aide d’un courant d’air, le liquide qui sort de l’alambic ; puis, en même temps qu’on l’agite par un violent courant d’air comprimé, on y ajoute, sous forme de pluie, 1 1/2 ou 2 pour 100 d’acide sulfurique ; pour la nuance désignée dans le commerce sous le nom de « beau blanc, » 1 1/2 suffit. Au bout d’un quart d’heure, on voit se former, dans le fond conique de l’agitateur, une couche blanchâtre d’impuretés acides, et, au bout d’une heure, toutes les impuretés sont déposées : on les fait sortir en ouvrant le robinet placé au fond de l’agitateur. On n’introduit pas l’acide sulfurique en une seule fois, mais par petites quantités ; à chaque fois que l’on en verse dans l’agitateur, la température s’élève immédiatement, et l’on agite jusqu’à ce qu’elle ne s’élève plus : à ce moment-là, la réaction est terminée. On laisse, comme nous l’avons dit, le liquide reposer une heure, on fait sortir les impuretés, on ajoute une nouvelle dose d’acide, et ainsi de suite. Pendant toute l’opération, on remarque un dégagement considérable d’acide sulfureux. On fait disparaître les traces d’acide sulfurique en « lavant » l’huile à grande eau, puis en y mêlant 1 pour 100 de soude caustique à 12 degrés Baume, et l’on agite à chaque fois. Mais cette dernière partie de l’opération se fait dans un autre agitateur. A plusieurs reprises encore on lave le liquide à grande eau, et alors seulement il est envoyé dans des réservoirs d’où il ne sortira que pour l’exportation.

De toutes les raffineries dont l’outillage permet cette rectification de la kérosine, celle de MM. Nobel est de beaucoup la plus vaste et la mieux organisée de Bakou ; ce n’est pas une usine, c’est une ville de 4,000 âmes, la « villa Petrolia, » avec des appartemens pour les employés, un hôpital pour les ouvriers, une école gratuite pour leurs enfans, un village pour leurs habitations. MM. Nobel frères ont introduit dans leur outillage tous les procédés perfectionnés dont les Américains font usage, et, toutefois, la maison est administrée avec une telle économie qu’il existe une section spéciale destinée à la régénération de l’acide sulfurique, après la purification de la kérosine. Ils utilisent aussi pour leurs fourneaux de forge la gazoline distillée, qu’on laisse généralement perdre dans les autres raffineries ; cette substance, analogue à la benzine, sert principalement à carburer le gaz de l’éclairage, dont elle augmente remarquablement la lumière.