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la cause de la révision ; elles auront encore moins servi les ouvriers, à qui elles laisseront plus de misères que de bienfaits.

Et l’Italie, elle aussi, à travers bien d’autres affaires, à travers les embarras d’un ministère nouveau qui a une situation financière à liquider, sa politique africaine à éclaircir, ses comptes à régler avec les États-Unis pour l’incident de la Nouvelle-Orléans, l’Italie a eu sa journée, ses troubles du 1er mai. Si ces troubles n’ont pas été plus sérieux, c’est que le ministère, quoique fort libéral, avait fait ce que font les gouvernemens prévoyans : il avait pris d’avance ses précautions dans les villes où l’agitation pouvait se produire, à Milan, à Gênes, à Livourne, à Naples.

Malgré ces précautions, cependant, il n’a pu empêcher partout les manifestations tumultueuses, les incidens, les échauffourées et même les collisions. A Florence, la plus athénienne, la plus paisible des villes italiennes, il y a eu un moment un peu d’émotion et quelques rassemblemens, quelques bagarres qui ont provoqué la répression. L’agitation florentine a eu peu d’importance et a été aisément, promptement apaisée ; mais c’est particulièrement à Rome que la journée a été dure et a fini par être sanglante. Le ministre de l’intérieur avait poussé aussi loin que possible la tolérance, en laissant toute liberté à un meeting qui devait se réunir sur la place Santa-Croce et en se bornant à masser aux approches de la réunion des forces suffisantes pour maintenir l’ordre. Le meeting était assez nombreux et avait été préparé pour la circonstance. Tout s’est passé d’abord assez pacifiquement en discours, en déclamations enflammées et en excitations révolutionnaires. Malheureusement, les excitations ont bientôt produit leur effet : aux discours a succédé la sédition. L’émeute s’est déclarée ; les manifestans ont engagé une lutte violente contre la force publique, qui a été réduite à se servir de ses armes. Les carabiniers, la cavalerie ont dû charger la foule. Dans la mêlée, un député irrédentiste, M. Barzilaï, a été blessé. Un révolutionnaire fort connu et toujours poursuivi, M. Cipriani, a eu aussi ses blessures. L’armée a eu de son côté ses victimes, officiers et soldats. Bref, tout cela a fini par quelques morts et un plus grand nombre de blessés, sans compter les arrestations opérées à la suite de ce mouvement, qui a un instant jeté la panique dans Rome. Il y a eu, le lendemain encore, une sorte d’échauffourée sans force et sans durée. Naturellement, ces scènes ont retenti aussitôt dans le parlement, où le ministère a été vivement interpellé par quelques députés de la droite, et surtout par un des chefs de l’extrême gauche, M. Imbriani, qui s’est emporté contre les brutalités de la police. Tout compte fait, dans ce débat, le gouvernement, représenté par le ministre de l’intérieur, M. Nicotera, et par le président du conseil lui-même, M. di Rudini, a obtenu son vote de confiance ; il a eu une immense majorité dans la chambre et, le lendemain, l’unanimité dans