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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/504

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et de la Vierge, des reliques et de la croix, récitation de paroles apprises, génuflexions et prosternemens devant les images ou les autels, ont été déclarés vains ; en fait de prescriptions positives, il n’est resté que la lecture de la Bible, et le devoir, allégé de la piété externe, s’est réduit à la piété intime, aux vertus morales, à la véracité, à la probité, à la tempérance, à la persévérance, à la volonté énergique d’observer la consigne que l’homme a reçue sous deux formes et qu’il peut lire en deux exemplaires concordans, dans l’Écriture interprétée par sa conscience et dans sa conscience éclairée par l’Écriture. Par suite encore, le prêtre protestant a cessé d’être un délégué d’en haut, l’intermédiaire indispensable entre l’homme et Dieu, seul qualifié pour nous absoudre et pour administrer les rites sans lesquels nous ne pouvons obtenir le salut; il n’est qu’un homme plus grave, plus docte, plus pieux et plus exemplaire que les autres, mais, comme les autres, marié, père de famille, engagé dans la vie civile, bref un demi-laïque. Les laïques qu’il conduit lui doivent la déférence, non l’obéissance ; il ne donne point d’ordres ; il ne rend point de sentences; la parole en chaire dans une assemblée est son office principal, presque unique, et cette parole n’a qu’un objet, l’enseignement ou l’exhortation. — Chez les Grecs et les Slaves, où l’autorité de l’Église n’est plus que conservatrice, toutes les observances du XIIe siècle ont subsisté, aussi rigoureuses en Russie qu’en Asie-Mineure ou en Grèce, quoique les jeûnes et carêmes, tolérables pour les estomacs du Sud, soient malsains pour les tempéramens du Nord. Même, ces observances ont pris une importance capitale ; la sève active, qui s’est retirée de la théologie et du clergé, ne coule plus qu’en elles; dans la religion presque paralysée, elles sont presque le seul organe vivant, aussi fort et parfois plus fort que l’autorité ecclésiastique : au XVIIe siècle, sous le patriarche Nicon, pour des rectifications imperceptibles dans la liturgie, pour une lettre changée dans la traduction russe du nom de Jésus, pour le signe de croix fait avec trois doigts au lieu de deux, des milliers de « vieux croyans » se séparèrent, et aujourd’hui ces dissidens, multipliés par les sectes, sont des millions. Défini par la coutume, tout rite est saint, immuable, et, dès qu’il est exactement accompli, suffisant à lui seul, efficace par lui-même: le pope qui prononce les paroles et fait fes gestes n’est qu’une pièce dans un mécanisme, l’un des instrumens requis pour une incantation magique ; après qu’il a instrumenté, il rentre dans son néant humain ; il n’est plus qu’un employé dont on a payé le ministère. Et ce ministère n’est pas relevé chez lui par un renoncement extraordinaire et visible, par le célibat perpétuel, par la