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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/518

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devoir étroit, qu’ils savent étroit, et dont la prescription impérative est gravée dans leur mémoire par une formule rimée qu’ils ont apprise dès l’enfance : sur 100 personnes, cela fait 5 communians, dont probablement 4 femmes et 1 homme, en d’autres termes, à peu près 1 femme sur 12 ou 13, et 1 homme sur 50. En province[1], et notamment dans la campagne, il y a des raisons pour doubler ou même tripler ces chiffres; dans ce dernier cas, qui est le plus favorable et sans doute le plus rare, la proportion des pratiquans est de 1 femme sur 4 et de 1 homme sur 12. Évidemment, chez les autres qui ne pratiquent pas, chez les 3 autres femmes et chez les 11 autres hommes, la foi n’est que verbale; s’ils sont encore catholiques, c’est par les dehors, non au dedans.

Par-delà ce détachement et cette indifférence, d’autres signes indiquent la désaffection et même l’hostilité. — A Paris, au plus fort de la Révolution, en mai et en juin 1793, boutiquiers, artisans, femmes de la Halle, tout le menu peuple était encore religieux[2], « à genoux dans les rues » quand passait le viatique et devant la châsse de saint Leu promenée en cérémonie, passionné pour son culte et soudainement attendri, « honteux, repentant, les larmes aux yeux, » quand, par inadvertance, ses gouvernans jacobins toléraient la publicité d’une procession. Aujourd’hui, parmi les ouvriers, boutiquiers et petits employés de Paris, rien de plus impopulaire que l’Église catholique : deux fois, sous la Restauration et sous le second Empire, elle s’est alliée à un gouvernement répressif, et son clergé est apparu, non-seulement comme l’organe efficace, mais encore comme le promoteur central de toute répression. — De là, des rancunes accumulées et qui survivent : après 1830, le sac de l’archevêché et de Saint-Germain-l’Auxerrois ; en

  1. L’abbé Bougaud, le Grand Péril, etc., p. 44 : « Je connais un évêque qui, arrivant dans son diocèse, eut l’idée de se demander, sur les 400,000 âmes qui lui étaient confiées, combien il y en avait qui faisaient leurs Pâques. Il en trouva 37,000. Aujourd’hui, après vingt ans d’efforts, il en a 55,000. Ainsi, plus de 300,000 sont, en pratique, des infidèles.» — Vie de M. Dupanloup, par l’abbé Lagrange, I, 51. (Lettre pastorale de M. Dupanloup, 1851) : — « Il considère qu’il répond à Dieu de près de 350,000 âmes, dont 200,000 au moins ne remplissent pas le devoir pascal ; car il y en a 45,000 à peine qui remplissent ce grand devoir. »
  2. La Révolution, II, 390.