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que le nôtre, mais pourtant actif et savant. Elle avait eu, avec Reuchlin et Mélanchthon, un commencement de renaissance plein d’éclat et de promesses, mais presque aussitôt dévoyé et étouffé par la réforme. Ces deux mouvemens, la réforme et la renaissance, qu’on associe souvent comme ayant eu même esprit, se touchent, en effet, par certains côtés, mais pour l’objet qui nous occupe, ils se combattent. Le protestantisme, qui devait donner ses fruits dans la critique et dans la science trois siècles plus tard, commença par bouleverser et ruiner les études. Les germes de l’humanisme, à peine jetés en terre, furent foulés et écrasés. Mélanchthon, qui avait salué avec bonheur les premiers débuts du siècle, termine sa vie dans les regrets et les lamentations.

Le siècle suivant, qui fut chez nous une période glorieuse, est pour l’Allemagne un temps d’humiliation et d’abaissement. A la suite de la guerre de trente ans, la plupart des collèges restèrent dépeuplés : il ne subsista guère que les écoles de la Saxe, dites écoles princières (Fürstenchulen), anciens couvens laïcisés et transformés en établissemens d’instruction.

Les études classiques étaient tellement tombées que plusieurs états avaient eu l’idée de créer des collèges d’un genre à part, nommés « académies nobles » (Ritterakademicen), où les jeunes gens de qualité allaient chercher des leçons de savoir-vivre et de tenue. Le latin en était absent, ou à peu près ; on le remplaçait par le français et par ce qu’on appelait galante Disciplinen, c’est-à-dire le blason, l’escrime et la danse. À ce programme des études correspondait un changement dans le genre de vie. L’épée devient partie intégrante du costume ; les duels entre étudians commencent.

Le costume résume quelquefois tout un chapitre d’histoire : à Oxford, les étudians anglais, avec la toque et la robe, nous transportent en plein moyen âge. Avec ses rubans, ses bottes à l’écuyère et sa rapière, l’étudiant de Heidelberg ou d’Iéna représente le gentilhomme allemand du XVIIe et du XVIIIe siècle, cérémonieux et bretteur.

Pas plus en Allemagne qu’en France, devant un enseignement ainsi affaibli et déconsidéré, les représentans de l’esprit nouveau ne devaient manquer d’apporter leurs projets de réforme. Ce que l’abbé de Saint-Pierre, Condillac, Rousseau furent en France, Auguste Francke, Hecker, Basedow le furent en Allemagne, mais avec cette différence en plus que, joignant l’exemple au précepte, ils fondèrent des établissemens où se donna l’enseignement qu’ils recommandaient. On sait de quelle faveur Basedow jouit un moment: princes, villes, particuliers offraient leur concours; on put croire que le mouvement nouveau allait tout submerger.

C’est précisément alors que, par un revirement des plus inattendus,