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professe toujours l’hindouisme, au lieu que le peuple javanais s’en est détaché et éloigné de plus en plus depuis de nombreux siècles, sous l’influence du bouddhisme d’abord, du mahométisme ensuite. — Un Hollandais en particulier, M. Birnie, homme très érudit et le Rothschild des planteurs de tabac à Java, nous a donné sur Bali, qu’il avait visité, des détails ethnographiques qui ont vivement piqué notre curiosité… Une question nous embarrassait : On loger dans l’île ? Il n’y a là, nous a-t-on assuré, aucun hôtel, à peine une apparence d’auberge, un véritable bouge ; mais la lacune a été comblée, à notre entière satisfaction, par le résident, M. Dannenbaigh, qui vient de nous offrir, par lettre, l’hospitalité à Boeleleng, chef-lieu de la résidence…

Il est neuf heures ; nous montons à bord du paquebot en partance, le Graf van Byland, qui est mouillé dans le détroit de Madoura. Le détroit de ce nom fait une bonne rade du nord à Soerabaia ; le bras de mer qui le forme a l’apparence d’un fleuve large et tranquille, et baigne deux rives d’aspect différent. Au sud, la côte javanaise est basse ; en arrière d’un premier plan, traversé par un canal de navigation, parsemé de constructions blanches, qui sont des entrepôts, des bureaux maritimes, planté, par places, d’arbres semblables à des pins, commence la ville, à demi recouverte d’un dôme de verdure ; dans une lointaine perspective se dressent des volcans. Au nord, la côte madouraise s’élève en versant de colline revêtu de végétation équatoriale ; pas de second plan ; l’intérieur de l’île n’est presque pas montueux. — Tandis que l’hélice refoule le large fleuve, la terre javanaise projette un cap, le détroit se resserre… et voici la mer. La côte, à tribord, décrit la courbe d’un golfe immense ; elle fuit, vers le sud, en ligne droite, et très loin, à peine distincte, se rabat sur l’est. Madoura s’éloigne à son tour, apparaît peu à peu jusqu’à la crête de ses plus hautes collines, et lentement s’enfonce sous l’horizon vaporeux.

Le navire tient le large ; le pont est aux trois quarts encombré de marchandises et de passagers indigènes ; ces derniers, accroupis ou étendus, ne bougent pas une minute de l’infime place qu’ils ont choisie au moment du départ. Seul, l’arrière, abrité d’une tente à longs rideaux de toile, est réservé aux passagers blancs, presque tous Hollandais. Ici, c’est un médecin qui habite les Moluques et y retourne. Là, ce sont deux agens d’une compagnie maritime d’Amsterdam, qui se rendent à Macassar, dans Célèbes, pour y traiter une affaire importante. Plus loin, faisant bande à part, ce sont deux missionnaires protestans avec leurs femmes. Arrivés d’Europe hier à Soerabaia, ils se sont rembarques immédiatement, à destination de Menado. L’une des femmes, très jeune encore, demeure