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de la diplomatie des Hollandais; en réalité, ceux-ci l’éloignèrent de son pays sous prétexte de mettre fin à ses querelles de rivalité avec un sultan voisin. Il fut invité à prendre un repas, on le raconte du moins, à bord d’un navire qui était mouillé devant Pabean, et dès qu’il fut arrivé sur le pont, le navire leva l’ancre. Le fait est qu’à Padang le gouvernement prit des mesures pour que cet exilé royal perdît une grande partie de son argent au jeu. Il y a deux ans, sur promesse d’obéissance, il est rentré dans son pays où, sultan déchu, il ne conserve d’une immense fortune que 70,000 florins et touche un traitement de 500 florins par mois. C’est à peine si cet argent lui permet d’entretenir une suite dont il est toujours escorté quand il sort à pied à Boeleleng.

Depuis le premier jour de l’occupation, le gouvernement de Batavia avait compris que les Balinais ne se façonneraient à la docilité que s’il leur conservait leurs usages législatifs et leurs coutumes religieuses; aussi s’appliqua-t-il à ménager les susceptibilités nationales. Ce fut tout profit pour lui d’avoir agi avec tant de tact et de prudence ; car les indigènes, sentant à peine l’ingérence des étrangers dans leurs affaires, et bénéficiant de leur présence auprès d’eux, demandèrent en 1882, en promettant obéissance, la suppression de l’épouvantail de force armée, dont la nécessité était du reste devenue depuis longtemps contestable. — Les résidens successifs et leurs subordonnés avaient su conquérir le peuple comme il fallait, moralement, par la douceur. S’ils avaient agi avec précipitation, en recourant aux moyens violens, ils auraient eu affaire à rude partie. Les Balinais, en effet, se seraient vite remis sur pied après l’échec que leur infligea la troisième expédition hollandaise. L’énergie qu’expriment leurs visages témoigne de la résistance qu’ils auraient pu opposer encore, mais cette résistance leur a paru inutile, et la douceur que reflètent en même temps leurs figures atteste qu’ils ne sentent le poids d’aucun joug, et que les Hollandais sont pour eux plutôt des alliés que des maîtres. On constate à Boeleleng et dans le pays environnant que les fonctionnaires sont devenus les amis des prêtres et sont traités avec déférence par les princes et les chefs d’ordre inférieur. Il est vrai que, de leur côté, les fonctionnaires feignent tout le respect possible pour les coutumes religieuses du pays ; nous l’avons bien vu le jour de expulsion des démons.

Cette entente amicale avec les prêtres et les chefs indigènes permet, dans bien des cas, aux Hollandais de les convertir à des idées d’humanité et de justice ; par leur parole persuasive, leur influence morale s’étend même dans le pays inoccupé. En 1882, les princes d’une sultanie indépendante proposent au gouvernement de Batavia d’administrer leurs affaires; mais le gouvernement décline cette