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leur aspect individuel le plus trivial ou le plus grotesque et n’y paraissent nullement transfigurés par une grande émotion collective. Le talent de M. Bramtot est hors de cause, mais pouvait-il faire qu’une illustration de journal devînt une peinture d’histoire, ou qu’une simple anecdote se changeât en épopée ? Son tableau, plein de remarques spirituelles, reste une peinture de genre qui perd certainement à être agrandie. Le caractère extrêmement individuel qu’il a donné avec un esprit très parisien d’observation à tous ses personnages et qui, chez quelques-uns, tournerait pour un peu au burlesque, est aussi peu séant ici qu’il serait de mise dans une rapide aquarelle. Si ces portraits sont exacts ils amuseront sans doute quelque temps les habitans des Lilas ; reste à savoir si la peinture monumentale, chez un grand peuple, est faite, comme les affiches des rues, pour servir d’amusette. Les sujets de deux grandes toiles qui ont pris aussi des proportions monumentales, la Manifestation des Canadiens contre le gouvernement anglais, à Saint-Charles, en 1837, par M. C. Alexander, et l’Ambulance de la Comédie française en 1870, par M. Brouillet, prêtaient mieux, ce semble, à des effets pittoresques d’un certain ordre. Par malheur, la peinture de M. Alexander est bien sèche et bien froide et il n’a guère fait éclater sur les visages de ses compatriotes la chaleur de sentimens dont ils sont intérieurement animés. Le tableau de M. Brouillet ne nous montre pas, non plus, ni dans ses figures de blessés inopinément recueillis par la maison de Molière au milieu des marbres et des dorures, ni dans celles des gracieuses infirmières qui les soignent, l’accent caractéristique qu’on était, cette fois, en droit d’attendre ; la scène se contente d’être convenablement disposée, agréablement éclairée, avec quelques recherches de délicatesses aimables. On peut encore remarquer que, dans cette toile, comme dans celles de MM. Bramtot et Alexander, où les figures sont de grandeur naturelle, la composition reste trop lâchée et la facture trop molle pour les dimensions. La même observation s’adresse à quelques autres grandes peintures destinées à des mairies, comme la Jeunesse et la Famille, par M. Vimont, ou à des églises, comme la Conversion de saint Eustache, par M. Paul-Hippolyte Flandrin, pour l’église Saint-Maclou, à Pontoise, et les Saints Patrons de la vie des champs, pour l’abside de Notre-Dame-des-Champs, à Paris, par M. Aubert, composition importante, où l’on trouve, d’ailleurs, des morceaux bien étudiés.

La poésie religieuse, comme la poésie profane, essaie plus heureusement de se renouveler en des toiles de moindre dimension. On a remarqué la Vierge enfant ayant la vision de la croix, par M. Kowalski, l’auteur d’une très jolie toile, le Printemps, où trois jeunes filles, d’une poétique allure, cueillent des fleurs dans une