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campagne contre une loi dont il prévoyait les funestes effets au point de vue de la moralité publique. Il a demandé, dès l’année dernière, le maintien de l’ancienne législation, c’est-à-dire le droit de retrait pur et simple de la licence, sans compensation. L’opposition a été si vive que le cabinet n’a pas cru devoir s’engager à tond, même sur un intérêt devenu aujourd’hui politique et électoral au premier chef. La proposition a été retirée, mais elle est revenue en discussion il y a quelques jours et on a fini, incidemment, par voter le principe de l’indemnité. Le gouvernement n’est en possession du droit de réduire le nombre des cabarets qu’à la condition d’en désintéresser les propriétaires. Peut-être, en même temps, accordera-t-on aux autorités locales des prérogatives au moins égales à celles des licensing benches, sortes de comités judiciaires investis du pouvoir de délivrer ou de retirer les patentes et qui font ordinairement preuve de la plus large indulgence à l’égard des public houses à Liverpool, par exemple, où on ne compte pas moins de 2,500 cabarets, cette magistrature spéciale, saisie récemment d’une requête tendant à la fermeture d’un établissement où la police découvrait jusqu’à 75 femmes à la fois, a refusé de faire droit à la demande des pétitionnaires. La preuve n’avait pas été faite, paraît-il, que les personnes dont il s’agit s’y fussent attablées plus longtemps qu’il n’est nécessaire pour absorber un « rafraîchissement. » L’arrêt ajoutait qu’au surplus le patron ne pouvait choisir ses consommateurs et refuser toute une catégorie spéciale d’habituées. On ne viendra pas aisément à bout des résistances que les tout-puissans commanditaires des débits de boissons opposeront à leurs adversaires. Le péril est cependant grave et pressant. Dans certaines villes, la vente des liquides ne suffirait pas à couvrir les frais d’exploitation, si la plupart des industriels, loin de repousser la clientèle féminine, ne la recherchaient, au contraire, soigneusement, dans un dessein plus intéressé qu’avouable.

Si les chiffres que les institutions pénitentiaires ont livrés, en 1889, à la publicité sont exacts, 90,000 personnes reçoivent, en Angleterre, l’hospitalité forcée de l’État. Les établissemens affectés aux forçats sont peuplés de 11,660 individus. Les prisons locales en abritent 20,800 ; 1,270 enfans convaincus de crimes sont internés dans les maisons de correction ; 21,400 jeunes vagabonds incorrigibles apprennent un métier sur les bancs d’écoles industrielles où ils sont soumis à un régime des plus sévères. On compte encore 910 maniaques dangereux, 14,700 voleurs, 1,100 receleurs, et 17,000 accusés, placés sous arrêt préventif en attendant le jugement qui décidera de leur sort. Mais ces relevés ne représentent que la population sous les verrous évaluée à un moment