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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/931

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lève les bras pour rejeter son voile en arrière, on peut trouver que le geste est vraiment trop violent. Ce serait plutôt celui de l’avocat lançant une péroraison pathétique que celui de sa cliente, la courtisane, découvrant à ses juges, pour les éblouir, la tranquille splendeur de sa beauté. Dans la figure de M. Ferrary, cette beauté, au lieu de s’étaler, se dérobe donc de toutes façons, et par l’obliquité fuyante de l’attitude et par la discrétion inopportune des formes fines et sèches, les maigreurs d’une compagne de Diane plutôt que d’une prêtresse de Vénus. Même erreur, ce semble, pour l’expression de la tête, une tête intelligente, fière, individuelle, et, avec ses cheveux courts et durs, virile plus que féminine, ce qui étonne un peu dans l’affaire où l’on attend surtout de la séduction et du charme. Cette physionomie garçonnière, jointe à cette allure de combat, déroute les yeux devant une figure construite et exécutée, avec une conviction évidente et une science réelle, par un artiste distingué et chercheur, qui montre une horreur estimable pour les banalités, mais qui ne paraît pas avoir trouvé cette fois l’accord nécessaire pour les yeux entre la signification de la figure et ses apparences plastiques.

M. Stanislas Lami, sous le titre d’une Première faute, a représenté une jeune femme nue, à genoux, se cachant la tête dans ses mains croisées. On remarque dans cet ouvrage un goût juste et délicat et un arrangement expressif. La figure, de pied en cap, est parlante sans affectation, ce qui est un mérite assez rare aujourd’hui; le sentiment de remords qui l’anime se traduit à la fois par l’affaissement du corps sur les jambes repliées et pressées l’une contre l’autre et par l’abaissement de la tête sous l’ombre légère formée par les bras levés et les mains serrées. C’est l’ouvrage d’un artiste qui comprend dans quelle mesure la disposition pittoresque peut venir en aide au rythme plastique et qui semble être à la fois un bon ouvrier et un esprit poétique. Le jury a justement récompensé cette agréable figure. Il a dû de même signaler, mais pour des qualités d’un autre ordre, la Madeleine au réveil, de M. Peene. Ici, l’expression morale tient peu de place, et le repentir n’éclate pas d’une façon très sensible dans la manière dont la belle pécheresse, assise aussi sur ses genoux, s’étire les bras pour se bien réveiller. Cette forte fille aux appas robustes n’est pas encore entrée dans la période des pénitences, mais c’est un bon morceau de sculpture, traité avec souplesse et largeur, et qui dénote, chez son auteur, un sentiment décidé de la beauté puissante. L’Étoile du soir, de M. Puech, une jeune femme, sortant de ses voiles, s’élançant vers le ciel dans une attitude déjà connue, ne nous a pas donné tout le plaisir que nous en attendions. Il y a là quelque tendance à l’afféterie, à une manière mondaine