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année, sont assez intéressans. Il semble qu’il ait fallu beaucoup d’imagination à M. Pierre André pour reconstituer, avec une pareille magnificence, le Forum et le théâtre d’Ostie, car les fouilles ne semblent lui avoir fourni, pour le Forum surtout, d’après son relevé de l’état existant, qu’une petite quantité de documens. Cependant sa reconstitution, dans sa hardiesse, est grandiose et brillante, d’une vraisemblance générale et suffisante; on ne saurait blâmer un jeune artiste qui, avant de subir les exigences trop souvent mesquines de la pratique, ose ainsi confier au papier indulgent les grands rêves de sa fantaisie studieuse; le public et le jury ont également pris goût, avec raison, aux envois de M. Pierre André. M. Chedanne a une façon plus timide et plus froide de présenter les choses; ses études sur le Théâtre de Marcellus semblent extrêmement consciencieuses, mais on y voudrait un peu plus de force et de chaleur dans l’interprétation d’un art si puissant; il a fait aussi quelques dessins délicats d’après plusieurs tombeaux florentins, notamment celui de notre ami Fra Filippo Lippi dans la cathédrale de Spolète. C’est un peu plus d’ardeur également qu’il faudrait à M. Defrasse pour donner à sa restauration de la fameuse Ca d’oro à Venise le charme éclatant de cette étrange et romanesque bâtisse ; ses dessins d’après un Autel de Mars et Rhéa récemment découvert à Ostie sont, il est vrai, poussés avec beaucoup de soin, mais on se demande s’il était bien utile de dépenser tant d’intelligence et de temps pour reproduire et compléter une œuvre de décadence, sans grand intérêt sculptural, dont une simple photographie donne plus fidèlement les détails et le caractère.

Notre moyen âge et notre renaissance, comme toujours, ont fourni une ample moisson. Les monumens principaux de France sont depuis longtemps étudiés sans doute, et il faut bien s’attendre à ce que l’attention des jeunes architectes se porte maintenant soit sur des édifices secondaires, soit sur des objets annexes, tels que décorations, peintures, sculptures, mobiliers; mais là encore n’y a-t-il pas beaucoup de trésors à signaler et à sauver? On ne saurait donc trop encourager ce mouvement, qui non-seulement accoutume les artistes à vivre en contact avec l’art national et à se pénétrer de son esprit, mais qui attire aussi l’attention des particuliers, des autorités, des historiens, de la foule elle-même, sur une quantité d’objets dont la disparition ou l’altération seraient profondément regrettables. Le travail le plus important auquel ait donné lieu l’architecture militaire et civile à la fin du moyen âge est celui de M. Barbaud sur le Château de Bressuire, construction plus importante par ses dimensions et par sa position que par son style