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semaines, un magnifique bâtiment, Empress of India, inaugurait, par un voyage de Hong-Kong à Vancouver via Shanghaï et Yokohama, le nouveau service postal organisé par l’administration du chemin de fer Canadian Pacific, entre l’extrême Orient et l’Angleterre par la route de l’Océan-Pacifique septentrional.

Quoi qu’il en soit de ces perspectives de nouvelles relations commerciales du Canada, à l’est et à l’ouest, à travers les mers, avec les Chinois, les Japonais et les Australiens d’une part et les Européens de l’autre, il est évident que les relations commerciales bien plus immédiates, du nord au sud, avec les États-Unis, sur une frontière terrestre d’une étendue de plus de 4,500 kilomètres, conservent pour le Dominion une importance primordiale, et c’est ce commerce que menace le bill Mac-Kinley.

En 1889, le Canada a importé des États-Unis des marchandises et produits pour une valeur de 250 millions de francs, et d’Angleterre pour 210 millions. La même année, ses exportations ont été, pour les États-Unis, de 215 millions, et, pour l’Angleterre, de 190 millions. La moitié environ du commerce extérieur du Canada est composée d’échanges avec les États-Unis, ce qui ne saurait étonner, vu l’énorme étendue des frontières communes aux deux pays et les nombreux points de jonction de leurs réseaux de voies ferrées ou de lignes de navigation.

Un des principaux articles d’exportation du Canada aux États-Unis est le bois, dont ceux-ci ont importé pour 40 millions de francs en 1889. Or le bill Mac-Kinley n’a pas augmenté et a plutôt abaissé le droit d’entrée du bois brut. Les transactions seront surtout entravées pour les œufs, le foin, le charbon, le poisson, les moutons, les chevaux, que le Canada vendait aux États-Unis. Il faut cependant tenir compte d’abord de la contrebande qu’il sera bien difficile d’atteindre sur de si vastes espaces. De plus, la proportion dans laquelle sera réduite l’entrée de ces produits aux États-Unis sera en raison inverse de l’intensité de la hausse déjà commencée dans les prix de toutes choses en Amérique depuis l’application du bill Mac-Kinley. A un certain degré, en effet, cette hausse détruirait tout effet prohibitif du tarif, et les Américains supporteraient seuls tout le poids de charges qu’ils ont si ingénieusement inventées.

Le Canada ne doit pas oublier non plus qu’il n’est pas lui-même sans reproche. La politique protectionniste, adoptée comme programme par le parti national dont sir John Macdonald, qui vient de mourir, s’était constitué le chef, et au nom duquel il gouvernait le Dominion depuis plus de dix ans, justifie ou explique dans une large mesure les représailles protectionnistes dont on se plaint sur les rives du Saint-Laurent. Le tarif canadien, antérieur au bill