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plus préjudiciable à l’Amérique elle-même. Les cultivateurs en ressentiront d’abord les désastreux effets, puis les ouvriers et les artisans et bientôt les manufacturiers eux-mêmes. »

En décembre dernier, le Board of Trade Journal terminait une étude consacrée aux effets probables du bill sur le commerce anglais par les lignes suivantes : « Les alarmes de la première heure doivent être considérées comme très exagérées. Le bill Mac-Kinley causera sans doute une certaine perturbation dans le commerce général du monde, mais il n’affecte qu’une partie du commerce extérieur des États-Unis et une partie plus faible encore du commerce extérieur de l’Angleterre. Dans beaucoup de cas, les droits augmentés ou ne pourront avoir aucun effet de protection ou ne donneront pas le degré de protection espéré. On trouve ici une nouvelle preuve des difficultés intrinsèques auxquelles se heurtent les tentatives pour rendre la protection effective. Le commerce passe entre les lignes d’un tarif quel qu’il soit ; un tarif est toujours plus ou moins impuissant à assurer l’objet qu’il avait en vue. »

Si l’Angleterre pouvait avoir lieu de se plaindre du bill Mac-Kinley, le Canada avait plus de raison encore de se montrer mécontent. Certaines clauses du bill ont été très manifestement composées dans l’intention de priver la colonie anglaise de son débouché le plus rapproché pour l’excédent de ses produits ; l’hostilité contre le Dominion s’y est accusée systématiquement.

En 1866, lorsque fut dénoncé le traité de réciprocité entre le Canada et les États-Unis (The States, comme on dit à Québec et à Montréal en parlant de l’Union), le commerce extérieur du Canada souffrit sérieusement pour un temps. Dès l’année suivante, le total fléchit de 20 millions de dollars ; en trois ans, toutefois, cette perte était récupérée et le Canada réussit, en trois autres années, à porter le volume de son commerce bien au-delà du point qu’il avait atteint avant 1866. Le Canada, pour obtenir ce résultat, avait, d’un côté, cherché de nouveaux débouchés, et, de l’autre, tiré le moins mauvais parti possible du traitement désavantageux que lui infligeaient les États-Unis.

Sur le premier point, la colonie britannique est aujourd’hui en bien meilleure situation qu’il y a vingt ans pour obtenir un prompt succès. Ses communications intérieures ont fait un immense progrès. Elle a des ports sur ses côtes de l’est et de l’ouest, reliés entre eux par une voie ferrée ininterrompue, le Canadian Pacific, qui est une des merveilles du temps présent. Elle peut envoyer ses produits dans les Indes occidentales, au Japon, en Chine, dans l’Inde, en Australie et dans les archipels océaniens, comme en Angleterre et dans le reste de l’Europe. Déjà des courans commerciaux se sont établis par la nouvelle voie ; il y a quelques