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32e pour servir au 8e de ligne, qui faisait partie de la 2e division du 1er corps. Passant ainsi simplement de la 1re à la 2e division du même corps, mon père devait retrouver en Espagne son ancien régiment, auquel il était demeuré si attaché ; il le quittait à peine.

La presse était, en 1807, peu développée et fortement contenue ; les communications postales étaient rares, lentes, et même si soigneusement surveillées que l’on ignorait complètement en Allemagne, et aussi à Paris, les revers éprouvés, dès le début des opérations, en Portugal et en Espagne. Jusqu’en 1814, la police impériale s’appliqua à tenir aussi secrets que possible ce que l’on appelait les événemens d’Espagne. Il en est résulté que cette partie de notre histoire militaire est encore aujourd’hui la moins connue, surtout dans ses détails. Le plus grand nombre de ceux qui auraient pu les raconter sont demeurés, pour toujours, au-delà des Pyrénées.

Il y a plus d’un rapport entre l’expédition d’Égypte et celle d’Espagne. La première devait menacer, disait-on, le commerce des possessions anglaises de l’Inde ; l’autre devait fermer aux Anglais tous les ports de la Péninsule ibérique. Dans les deux pays, nos armées allaient rencontrer les intempéries d’un climat brûlant, des communications difficiles, un sol dévasté et la famine, des populations fanatisées par leurs prêtres, animées de la haine la plus violente contre les envahisseurs.

La défense de Saragosse rappela la révolte du Caire et fut combattue avec la même rigueur. En Portugal et en Espagne, comme en Égypte, la guerre fut cruelle ; on massacrait nos blessés et, dans les deux partis, on ne faisait pas toujours des prisonniers. Les Français avaient retrouvé en Espagne le sang des Arabes. Après des combats glorieux et une lutte de plusieurs années, l’issue des deux guerres fut la même ; de rapides revers, suivis d’une évacuation rendue inévitable par une insurrection générale appuyée par une armée anglaise. Enfin, pour compléter l’analogie, les troupes de Junot, comme celles de Menou, furent, après la convention de Cintra, ramenées dans les ports français par des bâtimens anglais.

On trouvera dans la guerre d’Espagne, au sujet des batailles de Talavera et de Barossa-sous-Chiclana, des épisodes qui ont été inscrits sur les états de services de M. Vigo-Roussillon ; d’autres relatifs au siège de Cadix, enfin les détails de la longue captivité de mon père dans cette ville.

On a demandé pourquoi nous ne donnons pas son journal de guerre in extenso. C’est par égard pour le public. Un journal présente nécessairement, comme l’indique son nom même, des longueurs correspondant aux journées qui ne contiennent aucun événement,