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Dans quel gouffre les Anglais seraient tombés si nous avions eu la sagesse de conserver la défensive ! Le corps du maréchal Mortier, qui était à Villa-Castin, pouvait être avec nous le 28. Ceux de Soult et de Ney, qui étaient dans la Vieille-Castille, devaient déboucher, le 30 ou le 31 juillet, à Plasencia, c’est-à-dire sur la ligne de retraite de l’armée anglaise, et nous livrions bataille le 28[1] !

Notre division demeurait en bataille derrière notre artillerie, souffrant beaucoup du feu de l’artillerie anglaise, que la nôtre attirait, parce que les coups qui manquaient nos pièces tombaient tous dans nos rangs. Les feux d’infanterie avaient cessé. Les Anglais manœuvraient, ils reformaient leurs lignes et renforçaient leur gauche. Ayant reconnu l’importance du mamelon deux fois attaqué par la 1re division, ils y envoyaient quatre autres pièces de canon.

L’on resta ainsi de part et d’autre, se canonnant, sans agir autrement, jusqu’à trois heures de l’après-midi. À cette heure, le 4e corps arriva enfin. Il était commandé par le général Horace Sébastiani. Il déboucha à travers les vignes, qu’il avait dû traverser péniblement, et se forma dans la plaine, sa droite à notre gauche, vis-à-vis l’aile droite des Anglais. Il n’envoya que la division allemande Levai, en tirailleurs, sur le terrain qui séparait sa gauche du Tage, en face de l’armée espagnole.

Aussitôt que la tête du 4e corps déboucha des vignes, elle eut à supporter le feu de l’artillerie anglaise ; mais, quoique battu de front et de flanc, le 4e corps se forma et prit son ordre de bataille. Ce fut le signal d’une nouvelle attaque, qui eût dû être générale, mais qui ne fut faite que par corps, successivement ; et encore ces attaques furent-elles, en majorité, mal conduites.

La 1re division, trouvant les Anglais en force au mamelon, avait abandonné son point d’attaque du matin ; elle le tournait, en gravissant la montagne que les Anglais lui disputaient. Elle avançait lentement, mais se maintint au-dessus du vallon.

La 3e division resta immobile, en colonnes, vis-à-vis le vallon où se trouvait la cavalerie anglaise.

Notre division, un bataillon de grenadiers et le 4e corps

  1. On croyait cela à Talavera ! On ignorait qu’un ordre fatal daté de Schœnbrunn, donné par Napoléon, trop loin des événemens, avait confié au maréchal Soult, comme le plus ancien, le commandement des trois corps II avait rappelé Mortier, de Villa-Castin à Salamanque ; il était au plus mal avec le maréchal Ney, qui ne voulait plus 6ervir avec lui, et après avoir annoncé qu’il arriverait le 30 à Plasencia, il venait d’écrire qu’il ne pourrait y être que le 3 août. Pendant ce temps, Venégas menaçait Madrid. Ce retard du maréchal Soult décida Jourdan et le roi Joseph à livrer la bataille de Talavera, que le maréchal Victor demandait à grands cris.