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réputation de l’homme mûr venu à résipiscence. Cette période se place dans les années qui précèdent et dans celles qui suivent immédiatement 1848. Années qui ont véritablement un caractère à part, marquées comme d’un signe par les rêves de tout genre en politique et en économie sociale, où l’on s’abandonnait à la croyance dans le progrès indéfini avec une confiance sans limites, où l’impatience d’arriver au bien absolu faisait imaginer qu’on pouvait l’atteindre à grandes enjambées ! Il n’était question que de gratuité pour le crédit comme pour le reste. A l’aide du crédit on supprimait le paupérisme. A l’aide du crédit, la dette usuraire disparaissait dans les campagnes comme dans les villes. On résolvait tous les problèmes par l’indication de ce mot magique : l’État. C’était la clé mystérieuse qui ouvrait toutes les portes et faisait découvrir tous les trésors, qu’il était facile de tenir pleins avec l’argent des contribuables. C’était avec l’État que des gens, qui peut-être maudissaient Louis Blanc et qui avaient horreur du mot de socialisme, songeaient à organiser le crédit agricole, tant ce demi-socialisme, qui mettait à la charge de la communauté tantôt un service, tantôt l’autre, était en quelque sorte dans l’air ! C’est vers la fin du règne de Louis-Philippe que l’on commença à s’occuper un peu sérieusement de cette question du crédit agricole, assez ancienne d’ailleurs, car on la trouve posée dans l’assemblée provinciale du Berry en 1787. Une commission spéciale fut nommée sous le nom un peu ambitieux de a congrès agricole central. » Disons tout de suite qu’elle fit quelques bonnes choses. Elle s’occupa de la réforme du régime hypothécaire, en vue, d’après les termes du vote qui fut émis, « de porter plus exactement à la connaissance des prêteurs sur hypothèques l’état véritable du gage qui leur est offert et des charges qui pourraient le grever. » À ce vœu se joignait celui d’une banque qui servît d’intermédiaire et qui fût aux mains, soit de l’État, soit d’une association de propriétaires. Ces délibérations visaient surtout, comme on le voit, la fondation du crédit foncier, qu’un économiste zélé pour ce genre d’institutions qu’il avait étudiées en Europe, Louis Wolowski, devait contribuer à établir en France. On sait ce qu’il en advint. Appelée à prendre le plus grand développement, l’institution, primitivement conçue en vue des campagnes, profitait particulièrement aux villes, venant juste à point pour favoriser le mouvement imprimé à la propriété bâtie par Napoléon III. Le crédit agricole n’était pourtant pas oublié dans le même congrès. Le rapporteur, M. Darblay, faisait adopter un vœu pour que le privilège du propriétaire relativement au gage de l’agriculteur fût limité par celui du prêteur. Hors de là, on ne sortait guère de conceptions sans précision. On s’égarait dans des projets où l’État était investi des fonctions de distributeur du crédit. C’était