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exprimer avec aisance dos types très différens, celui d’une vieille dame grave et douce, celui d’une jeune femme vive et gracieuse, celui d’un jeune homme élégant et fin. Sa façon de peindre s’est chaque fois très habilement adaptée au type de son modèle, et on y remarque une poursuite plus sensible de l’exactitude de la forme par le mouvement de la brosse. Pourquoi les pochades si risquées d’alentour nous font-elles douter de la résolution définitive du peintre à reconnaître toujours cette nécessité d’exactitude ?

L’autre groupe de portraitistes proteste contre ce système d’improvisation à outrance, et, par un esprit de réaction naturel et qu’on peut trouver heureux, manifeste une certaine répugnance pour les grandes toiles, et recherche la finesse minutieuse de l’expression avec autant de soin que les autres l’évitent. Parmi ces artistes délicats et attentifs, l’un des plus intéressans est M. Louis Picard, dont nous avions déjà signalé l’an dernier les fines études et qui montre un talent plus sûr et plus souple dans deux portraits de jeunes femmes, l’une coiffée de son chapeau et tenant une branche de mimosa, l’autre tête nue, en robe de soie grise. Nous y retrouvons toujours M. Gustave Courtois, qui obtient un juste succès avec son Portrait de Mme Gautreau, si nettement et finement caractérisée dans son profil vif, où le peintre fait jouer les blancs avec une délicatesse savante. M. Courtois est l’un des premiers qui aient remis à la mode ces petits portraits, dans le goût des anciens maîtres français et flamands, qui semblent si bienfaits pour nos appartemens exigus. Il nous en montre encore quelques-uns de tort jolis. On en peut comparer la série avec d’autres séries du même genre présentés par d’autres artistes consciencieux et fins, tels que MM. Friant (Portrait de Coquelin aîné), Muenier (Coquelin cadet), Jarraud (Convalescente), Weerts (M. Dietz-Monnin et M. Boucher-Cadart). Un petit portrait du graveur Marcelin Desboutin, par lui-même, d’une facture plus grasse et d’un relief plus vif, est encore un joli morceau d’amateur.

Tout le monde est paysagiste au Champ de Mars. Parmi les peintres cités plus haut, il en est plus d’un qui accompagne ses portraits ou tableaux de pochades champêtres. Les études de M. Guillaume Dubufe à Capri, de MM. Stevens, Duez, Mathey, Aublet, Rixens, au bord de la mer, de MM. Dinet en Algérie, de M. Moutte en Provence, de MM. Gros, Latouche, aux environs de Paris, ne sont pas les moins justes de ces impressions de voyage, beaucoup trop nombreuses, qui nous sont jetées, pêle-mêle, sous les yeux, au débarquer, par tous ces touristes trop expansifs. Les paysagistes proprement dits sont naturellement plus prodigue » encore de leurs communications, mais il serait bien difficile de