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Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 106.djvu/210

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très bien aussi dans cet ordre d’impressions, qu’il applique à la pleine campagne. Il ne peut pas sortir de là une grande école de paysage, mais c’est un dilettantisme agréable et charmant.

Les morceaux de sculpture sont un peu plus nombreux au Champ de Mars que l’année dernière. Néanmoins, il n’y en a qu’un petit nombre d’intéressans et, ce qui ne surprendra personne, c’est que ce sont de bonnes œuvres classiques, qu’on aurait, à coup sûr, récompensées aux Champs-Elysées, si leurs auteurs n’étaient surchargés de récompenses. En tête d’abord, la Scène bacchique de M. Dalou, formant médaillon dans une fontaine et exécutée avec sa science et sa verve accoutumées. M. Dalou joint à ce haut-relief plusieurs bustes en bronze, celui de M. Albert Liouville, celui de M. Albert Wolf, d’un accent si vivant, d’une si ferme tenue, qu’on pourrait les placer à côté des chefs-d’œuvre florentins du XVe siècle. Puis, une belle Statue funéraire de Mme la princesse de Salerne, un marbre pour la chapelle de Dreux, par M. Albert Lenoir, puis, une allégorie puissante et noble de l’Immortalité inscrivant les noms des héros sur un rocher, par M. Jean Hugues, puis, une excellente figure, en marbre français, très savamment rythmée, très fermement exécutée, l’Armide de M. Mulot, puis, deux statues commémoratives, d’un style vivant, souple, créées par M. Aube, le Boucher assis, inspiré par l’Amour, marbre dont le modèle était déjà connu, et le Borda, pour la ville de Dax. Et puis ? Et puis ? Nous croyons bien que c’est tout. Il faut cependant signaler, dans un autre ordre d’idées, les tentatives de M. Bartolomé. Les fragmens de figures de morts ou de ressuscitans, pour un monument au Christ, ne sont pas tous conçus d’une façon claire, mais l’exécution en est toujours très émue et parfois très personnelle. Quant au petit nombre de sculpteurs égarés qui, troublés par les pratiques italiennes, s’imaginent qu’ils vont renouveler leur art en y introduisant les chiffonnemens et les maçonneries de la peinture impressionniste et en chassant l’idée surannée de l’équilibre, du rythme et de la beauté, on ne saurait que les plaindre. Les résultats de leurs divagations ne sont pas de nature à inquiéter beaucoup. La seule tristesse qu’on retire du spectacle de ces étrangetés déplaisantes, c’est de voir s’y égarer quelques artistes, d’un talent sérieux et éprouvé, qu’on aurait pu croire moins accessibles à de si pauvres tentations.


GEORGE LAFENESTRE.