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du plus noble peuple de l’antiquité. La servitude est partout un terrible agent de démoralisation ; et peut-être les races les plus hautes en sont-elles les plus dégradées : optimi corruptio pessima.

Puis, pour le caractère et pour l’âme, il y a une autre éducation, celle des professions héréditaires, des métiers exercés par les ancêtres. Chaque profession, pourrait-on dire, a sa morale, comme chacune a ses travers ou ses tics. Les métiers habituels du juif, nous les connaissons. Nous en avons retrouvé la marque sur son intelligence ; ils en ont peut-être laissé une plus profonde sur son caractère. Longtemps enchaîné à son comptoir ou enfermé dans sa boutique, le juif en a pris l’esprit. Il lui en est souvent resté quelque chose de mercantile. Plût à Dieu que pareil instinct ne se rencontrât que chez les fils d’Abraham, où il s’explique si aisément ! Pour le juif, il y a là une sorte d’atavisme. Chez le banquier de Berlin ou de Francfort, chez le journaliste ou le savant de Vienne ou de Paris, perce parfois, tout à coup, le brocanteur de la Judengasse ou le regrattier du ghetto. L’empreinte était trop bien gravée pour s’effacer, entièrement, en moins d’un siècle. On ne se défait pas si vite de ses aïeux. A toutes les repoussantes besognes auxquelles il a été contraint, durant des générations, le juif s’est parfois sali l’âme, comme les doigts. Prenons les plus honnêtes des métiers exercés par ses pères : le colporteur, le maquignon, le cabaretier, le marchand de vieux habits ; prenons même l’argentier du roi ou du sultan, le financier ou le fermier des taxes ; ce ne sont pas là des professions qui élèvent l’âme ou ennoblissent le caractère. Ce qu’elles inculquent à l’homme, ce n’est pas la délicatesse morale, la sincérité, le désintéressement, la générosité. Il ne nous convient point de médire du commerce ; mais, de toutes les professions, le négoce, le petit commerce surtout, est manifestement celle qui tend le plus à émousser le sens moral, ou qui laisse le moins de jeu aux plus hautes facultés de l’âme. Les anciens en étaient si convaincus que leurs législateurs ou leurs philosophes excluaient de l’agora et des affaires publiques les marchands. Il n’était pas sans quelque fondement, ce préjugé d’ancien régime : « Le trafic déroge à la noblesse. » Or, si l’homme d’argent n’a jamais été tout le juif, presque tous les juifs ont été obligés de faire de l’argent. Exclus des professions libérales, presque aucun n’a pu, comme disaient nos pères, vivre noblement.

Qu’est-ce donc si l’on songe aux circonstances dans lesquelles étaient obligés d’opérer les trafiquans juifs ? Le commerce, d’ordinaire, jouit de la protection des lois ; or, sur quelles lois pouvait compter le juif, en dépit des chartes que lui a concédées ou vendues la politique ou la cupidité des chrétiens ? Son trafic, secret ou avoué, le juif l’exerçait sans sécurité, souvent clandestinement,